Gynécologie
"L'endométriose existe chez l’adolescente, elle ne demande qu’à être recherchée"
Sabrina Da Costa, gynécologue spécialisée dans l'enfance et l'adolescence, s’est exprimée au sujet de l’endométriose chez l’adolescente lors de la première édition des Journées Scientifiques de Gynécologie de Port-Royal.
"L'adolescence est une période de transition située entre l'enfance et l'âge adulte. Cette période est initiée par la puberté qui est caractérisée par le développement des caractères sexuels, qui va conduire à l'acquisition des fonctions de reproduction”, déclare Sabrina Da Costa, gynécologue spécialisée dans l'enfance et l'adolescence de l’hôpital Necker, durant la première édition des Journées Scientifiques de Gynécologie de Port-Royal.
Le début de la puberté marque ainsi le début de l’adolescence. En ce qui concerne sa fin, c'est moins évident, "surtout que l'OMS dit 19 ans. Il y a certains psychologues et pédopsychiatres et pédiatres qui disent que l’on est adolescent jusqu'à l’âge de 25 ans. Et ces derniers connaissent une croissance, un développement rapide. Cela a des conséquences.”
Règles douloureuses : "C'est important d’évaluer aussi l’abondance chez les jeunes filles"
D'après la spécialiste, le diagnostic et la prise en charge de l'endométriose chez un adulte et un adolescent n’est pas conçue de la même façon. "Tout ce qui est vrai chez l’adulte ne l’est pas chez l’adolescent. Pour détecter cette maladie chez des patientes de 11 ou 12 ans, nous les projetons dans des questionnements sur lesquels elles n'imaginent pas se projeter à un âge si jeune."
Le symptôme qui va amener les patientes, adultes et adolescentes, à consulter c’est la dysménorrhée, à savoir les fameuses règles douloureuses. "Entre 70 et 93 % des adolescentes déclarent un inconfort pendant les règles. La dysménorrhée est la plainte la plus fréquente. Elle concerne entre 16 et 93 % des adolescentes.” Cela a de très fortes conséquences sur leurs vies car il s’agit de la première cause d'absentéisme scolaire et que cela limite également les activités de la vie quotidienne et altère leur qualité de vie.
"La dysménorrhée primaire apparaît souvent dans les deux ans suivant les premières règles avec des douleurs de type crampes pelviennes ou lombaires. Il peut y avoir une corrélation entre abondance et intensité de la douleur et j'insiste sur le fait que c’est important d’évaluer la douleur mais aussi l’abondance des règles chez les jeunes filles, qui est facteur de risque d’une survenue d'endométriose. Ainsi, en les prenant en charge, cela permettra peut être d’anticiper la survenue de la maladie".
Selon Sabrina Da Costa, les dysménorrhées primaires, qui sont des douleurs qui surviennent pendant les règles sans cause sous-jacente, sont à mettre en opposition avec les dysménorrhées d’origine organique : endométriose, malformation utéro-vaginale…
"Quand les patientes viennent nous voir pour des dysménorrhées, elles ont en tête qu’avoir mal pendant leurs règles n’est pas normal et qu’il faut rechercher la cause des douleurs, mais on peut aussi avoir mal pendant ses règles sans forcément qu’il y ait une cause sous-jacente”, précise la gynécologue. Les douleurs peuvent être totalement bénignes. Cela peut être physiopathologique : la sécrétion de la prostaglandine par l’endomètre provoque des vasoconstriction des artérioles, de la hypercontractilité du myomètre, une hypoxie tissulaire et donc de la douleur."Les malformations utéro-vaginales font partie des diagnostics auxquels il faut vraiment penser" chez les ados
En ce qui concerne le diagnostic, il y a, comme pour l’adulte, l’échographie et l’IRM. L’examen de référence chez l’adolescente est l’IRM pelvienne. "Avec comme bémol le fait que les échographies pelviennes chez les adolescentes se font dans la très grande majorité des cas par voie sus-pubiennes (au-dessus du pubis) soit parce qu’elles n’ont jamais eu de rapports, soit parce qu’elles n’ont pas encore la maturité nécessaire pour envisager ce genre d’examen par voie endo-vaginale avec un radiologue qu’elles ne connaissent pas. Donc il faut les y préparer.” Problème : l’échographie normale, par voie sus-pubienne, ne permettra pas d’éliminer la présence d'endométriose.
D'après la spécialiste, l’IRM pelvienne "peut avoir un intérêt en deuxième intention quand on suspecte une malformation utéro-vaginale à l’échographie et cela n'aura finalement que peu d'intérêt dans la dysménorrhée primaire. Les malformations utéro-vaginales font partie des diagnostics auxquels il faut vraiment penser chez les adolescentes. Elles conduisent à une prise en charge chirurgicale qui résoudra le problème des douleurs." Ces malformations sont des facteurs de risque de survenue de l’endométriose dans la vie de ces jeunes filles.
Dans une étude, à laquelle Sabrina Da Costa a participé, "39 % des patientes présentaient une endométriose" selon les résultats de l'IRM. Il s'agissait d'adolescentes de 12 à 20 ans avec des douleurs intenses et une résistance aux traitements par AINS (anti-inflammatoire non-stéroïdiens). "Donc oui, l'endométriose existe chez l’adolescente, elle ne demande qu’à être recherchée. On peut avoir de l'endométriose, de l'endométriose profonde et de l’adénomyose chez ces patientes. L’urgence chez l’adolescente qui se présente pour dysménorrhée ça sera probablement d’éliminer les malformations utéro-vaginales et ensuite ce sera de prendre en charge la douleur qu’il y ait ou pas de l'endométriose à l’IRM, le plus tôt possible pour éviter les risques de chronicisation."