Antibiorésistance
Chat, chien : ils peuvent transmettre des super-bactéries à leur maître
Selon une nouvelle étude européenne, les animaux de compagnie joueraient un rôle dans la transmission à l’homme de bactéries résistantes aux antibiotiques.
Impossible pour beaucoup de passer à côté de leur chat ou leur chien sans les embrasser, les caresser ou les câliner… mais attention, une étude anglo-portugaise, présentée lors du congrès de l'European Society of Clinical Microbiology and Infectious Diseases (ESCMID) qui se tiendra à Barcelone du 27 au 30 avril 2024, assure que les animaux de compagnie jouent un rôle important dans la propagation des bactéries résistantes aux antibiotiques.
Animaux de compagnie : certains étaient porteurs de super-bactéries résistantes
Pour mieux comprendre la transmission des super-bactéries résistantes aux antibiotiques, des chercheurs britanniques et portugais ont suivi 5 chats, 38 chiens et 78 humains répartis dans 43 foyers au Portugal et 22 chiens et 56 humains de 22 ménages vivant au Royaume-Uni. L’équipe a prélevé des échantillons de matières fécales, d'urine et de peau pour chacun des participants à deux ou quatre pattes.
Les scientifiques ont notamment recherché la présence d’Enterobacterales (une grande famille de bactéries qui comprend E. coli et Klebsiella pneumoniae), agents pathogènes connus pour être particulièrement résistants aux antibiotiques courants. Ils se sont concentrés sur celles résistantes aux céphalosporines de troisième génération (utilisées pour traiter un large éventail de maladies, y compris la méningite, la pneumonie et la septicémie) et les carbapénèmes (qui font partie de la dernière ligne de défense lorsque d'autres antibiotiques ont échoué).
Les analyses ont révélé qu’au Portugal, un chien était infecté par une souche d'Escherichia coli produisant de l'OXA-181. Il s’agit d’une enzyme qui confère une résistance aux carbapénèmes. Trois chats et 21 chiens et 28 propriétaires abritaient des Enterobacterales. Ces agents pathogènes sont résistants aux céphalosporines de troisième génération.
Dans cinq ménages, les bêtes et les propriétaires transportaient des bactéries productrices des enzymes BLSE - AmpC, aussi connues pour être antibiorésistantes. L'analyse génétique a montré que les souches sont les mêmes, ce qui indique que les bactéries sont passées entre l'animal et son maître. Dans l'un de ces ménages, un chien et un propriétaire avaient également la même souche de Klebsiella pneumoniae résistante aux antibiotiques.
Des données similaires ont été trouvées dans les foyers britanniques. Des Enterobacterales productrices de BLSE - AmpC ont été découvertes dans les échantillons de huit chiens et trois propriétaires Dans deux ménages, l’animal et le maître étaient porteurs de la même bactérie.
Si les données n’ont pas permis de prouver avec certitude le sens de la transmission, les informations obtenues lors des tests positifs suggèrent fortement que la bête avait été le porteur originel.
"Dans cette étude, nous fournissons des preuves que les bactéries résistantes aux céphalosporines de troisième génération, des antibiotiques d'une importance critique, sont transmises des animaux de compagnie à leurs propriétaires", explique Juliana Menezes de la faculté de médecine vétérinaire de Lisbonne dans un communiqué.Comprendre la transmission pour lutter contre l'antibiorésistance
"Nos résultats soulignent l'importance d'inclure les propriétaires d'animaux de compagnie dans les programmes nationaux qui surveillent les niveaux de résistance aux antibiotiques", ajoute Juliana Menezes.Selon l’OMS, les infections liées à des bactéries résistantes aux antibiotiques tuent plus de 1,2 million de personnes par an dans le monde. Par ailleurs, sans mesure, le chiffre pourrait atteindre 10 millions d'ici à 2050. Ainsi, mieux comprendre la transmission des bactéries résistantes des animaux de compagnie à l'homme est essentiel pour "lutter efficacement contre la résistance aux antimicrobiens" et "développer des interventions informées et ciblées pour protéger la santé animale et humaine", comme le soulignent les auteurs.
En attendant, "les propriétaires peuvent réduire la propagation des bactéries multirésistantes en ayant une bonne hygiène, y compris en se lavant les mains après avoir collecté les déchets de leur chien ou de leur chat, et même après les avoir caressés", rappelle la chercheuse.