Etude sur 2 143 salariés retraités
Exposition aux solvants : les troubles cognitifs perdurent à la retraite
L'exposition élevée aux solvants durant la vie professionnelle peut avoir un impact négatif sur les performances cognitives. Et les effets sont perceptibles longtemps après que l'exposition a cessé.
Les solvants fréquemment utilisés dans certains milieux professionnels pour nettoyer les métaux, diluer les peintures, ou encore décaper les vernis sont loin d'être inoffensifs pour sur la santé des travailleurs. Une étude publiée ce lundi révèle que l'exposition aux solvants industriels durant la vie professionnelle peut avoir avoir un impact négatif sur les performances cognitives. Et selon ces chercheurs français et américains (1), les salariés les plus exposés garderaient même des troubles cognitifs longtemps après une forte exposition professionnelle aux solvants. Des résultats inédits publiés dans la revue scientifique Neurology.
Un risque supérieur de 20-50 % de moins bonnes performances cognitives
Pour parvenir à cette conclusion, ces équipes de Montpellier et Harvard se sont penchées sur la question des solvants à travers la cohorte Gazel (20 000 salariés d'EDF-GDF suivis depuis 25 ans et dont les étapes de la vie professionnelle sont bien répertoriées). L'étude en question a cependant porté sur seulement 2 143 hommes de cette cohorte âgés de plus de 55 ans, retraités en moyenne depuis 10 ans.
Au total, 33 % de ces participants avaient été exposés durant leur vie professionnelle à des solvants chlorés, 26 % au benzène et 25 % à des solvants pétroliers.
Afin d'évaluer l'impact de ces substances sur leurs capacités cognitives, ces retraités ont fait l'objet d'une batterie de huit tests. Ils devaient par exemple citer en une minute le maximum de noms d'animaux ou de mots commençant par la lettre P.
Et les résultats rapportés par ces scientifiques sont sans appel. Les chercheurs ont montré qu'un exposition élevée aux solvants était associée à de moins bonnes performances cognitives. Pour preuve, rien que pour les doses dites "élevées" de solvants chlorés, les retraités avaient un risque supérieur de 20 % à 50 % de moins bonnes performances cognitives.
Des conséquences même à la retraite
D'après les auteurs de ces travaux, « ces salariés gardent les traces de leur exposition au travail, même s'ils sont à la retraite et même si cette exposition n'est plus présente depuis longtemps. » Ayant participé à cette recherche le Dr Claudine Berr, directrice de recherche à l'Inserm rajoute que « peu d'études ont jusqu'à présent évalué si cet impact sur les troubles cognitifs se prolongeait après la retraite, c'est-à-dire après l'arrêt de l'exposition professionnelle à ces solvants, et très peu d'études ont bien documenté les expositions. » Conclusion : ces données sont inédites même si de précédents travaux avaient déjà montré qu'une exposition répétée à ces liquides pouvait notamment provoquer des cancers et être néfastes pour la fertilité.
Enfin, cette dernière conclut en indiquant que désormais « les médecins traitants doivent faire plus attention à ces patients, par exemple en prenant en charge les autres facteurs de risque de déclin cognitif sur lesquels on peut agir. Parmi eux, les facteurs de risque vasculaire. Ils doivent aussi les encourager à avoir plus de loisirs stimulant leurs fonctions cognitives. »
(1) Unité Inserm 1061 « Neuropsychiatrie : recherche épidémiologique et clinique » de Montpellier