Hématologie

Drépanocytose : un risque croissant d’AVC chez les enfants malgré les progrès

Malgré les progrès réalisés, l'incidence des accidents vasculaires cérébraux (AVC) chez les personnes atteintes de drépanocytose continue d'augmenter. Cette réalité met en lumière la nécessité de revoir les approches de dépistage et de prévention, notamment chez les adultes.

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  • 24 Sep 2024
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    La drépanocytose, l'une des maladies héréditaires du globule rouge les plus courantes aux États-Unis, prédispose les patients à un risque accru d'accidents vasculaires cérébraux (AVC). Ces accidents vasculaires peuvent être ischémiques ou hémorragiques, et sont causés par des anomalies vasculaires secondaires à la déformation des globules rouges en forme de faucille. L'essai STOP (Stroke Prevention Trial in Sickle Cell Anemia), publié en 1998, a marqué un tournant dans la prévention des AVC chez les enfants atteints de drépanocytose à haut risque, grâce à l'utilisation de transfusions sanguines régulières et de l'échographie doppler transcrânien (TCD) pour évaluer le flux sanguin cérébral.

    Cependant, une étude récente, publiée dans Blood, montre que malgré ces avancées, l'incidence des AVC, en particulier chez les adultes, continue d'augmenter. Les résultats soulignent que si les enfants bénéficient généralement d'un suivi optimal, les adultes atteints de drépanocytose reçoivent moins d'attention en termes de prévention des AVC. Cette tendance pourrait s'expliquer par une adhérence insuffisante aux recommandations issues de l'essai STOP, notamment en ce qui concerne l'utilisation du TCD chez les adultes.

    Analyse des données : incidence et facteurs de risque

    L'étude menée par le Dr Ted Wun et son équipe a examiné les données d'utilisation des services d'urgence et des hospitalisations en Californie, entre 1991 et 2019, concernant 7 636 patients atteints de drépanocytose. Parmi eux, 733 (9,6 %) ont présenté au moins un accident vasculaire cérébral, qu'il s'agisse d'un AVC ischémique (5,9 %), d'un AVC hémorragique (3 %) ou d'une attaque ischémique transitoire (2,7 %). Ces événements étaient plus fréquents chez les femmes et les patients hospitalisés trois fois ou plus par an.

    L'étude révèle une augmentation importante des AVC avec l'âge. Le risque d'AVC doublait tous les 20 ans, et l'incidence des AVC hémorragiques augmenteraient de 13 fois entre l'âge de 20 et 60 ans. Ces résultats montrent une hausse préoccupante des AVC, même chez les jeunes adultes, avec un pic d'incidence dans la décennie 2010-2019, malgré une réduction initiale des AVC dans les deux années suivant la publication de l'essai STOP.

    Les chercheurs ont également identifié plusieurs facteurs de risque modifiables associés aux AVC ischémiques, notamment l'hypertension, l'hypercholestérolémie et les antécédents d'attaque ischémique transitoire. En revanche, les patients atteints de syndrome thoracique aigu, d'insuffisance hépatique ou ayant déjà subi un AVC ischémique étaient plus susceptibles de souffrir d'un AVC hémorragique.

    Ces données mettent en évidence la nécessité de renforcer les mesures préventives chez les patients adultes atteints de drépanocytose, notamment en ce qui concerne la gestion des facteurs de risque cardiovasculaires.

    Qualité de l'étude et perspectives de recherche

    L'étude s'appuie sur des données de population à grande échelle, issues des bases de données hospitalières de Californie, ce qui confère une solide représentativité des résultats. Cependant, l'étude présente certaines limitations. Tout d'abord, l'absence de données précises sur l'usage du tabac, un facteur de risque important pour les AVC, ainsi que sur le génotype des patients atteints de drépanocytose, pourrait biaiser l'analyse des risques. De plus, les auteurs n'avaient pas accès aux rapports d'imagerie permettant de confirmer les diagnostics d'AVC par des moyens radiographiques.

    En outre, les résultats pourraient sous-estimer l'incidence réelle des AVC, notamment chez les patients qui ont pu souffrir d'un AVC en dehors de l'État ou qui ont été pris en charge en ambulatoire pour des symptômes d'attaque ischémique transitoire. Malgré ces limites, l'étude apporte des informations cruciales sur l'évolution des AVC dans cette population spécifique et souligne l'importance de poursuivre la recherche dans ce domaine.

    Les chercheurs appellent à des études prospectives pour mieux comprendre les mécanismes spécifiques aux AVC chez les adultes atteints de drépanocytose et affiner les recommandations de prise en charge. En particulier, il serait nécessaire de réévaluer l'utilisation du TCD chez les adultes et d'envisager des interventions thérapeutiques adaptées pour réduire le risque d'AVC dans cette population.

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