Pédiatrie
Pandémie : vers une nouvelle politique de prévention des infections infantiles
La baisse drastique des infections courantes et sévères, ainsi que de la mortalité, chez les enfants pendant l’hiver 2020-2021 en Grande-Bretagne, pose les bases de la construction d’une nouvelle politique de prévention.
- Pascal Skwara/istock
Une réduction spectaculaire des admissions à l'hôpital pour les infections infantiles, non seulement courantes, mais aussi graves et bactériennes, a été observée en Angleterre au cours de la première année de la pandémie Covid-19, très probablement en raison des mesures de distanciation sociale, des fermetures d'écoles et des restrictions sociales.
Bien que nombre de ces mesures ne soient pas soutenables en dehors de la pandémie, les chercheurs appellent à une évaluation précise et plus approfondie des bénéfices de chaque intervention de santé publique pour en instaurer certaines pendant les mois d'hiver, afin de réduire la charge sur les hôpitaux pédiatriques et surtout de protéger les enfants les plus vulnérables.
Cette étude est publiée dans The BMJ et ses auteurs rappellent que le rebond de certaines infections respiratoires infantiles, avec la levée des restrictions pendant l’automne et l’hiver 2021 et 2022, peut valider ce résultat issue d'une étude observationnelle.
Réduction des infections courantes et sévères
Des réductions substantielles et durables des admissions à l'hôpital des enfants ont été constatées à partir de mars 2020 pour l'ensemble des 19 pathologies infectieuses étudiées par les chercheurs, sauf une.
Parmi les infections respiratoires courantes des enfants, la plus forte réduction en pourcentage a été enregistrée pour la grippe, dont le nombre d'admissions à l'hôpital en Grande-Bretagne a diminué de 94%, passant de 5 379 (moyenne annuelle du 1er mars 2017 au 29 février 2020) à 304 au cours des 12 mois suivant le 1er mars 2020. Pour la bronchiolite, les admissions ont diminué de plus de 80%, passant de 51 655 (moyenne annuelle 2017-20) à 9 423 en 2020-21.
Parmi les infections invasives bactériennes graves de l’enfance, les réductions en pourcentage allaient de 26% pour l'ostéomyélite à 50% pour la méningite. Quant aux infections évitables grâce à la vaccination, les réductions allaient de 53% pour les oreillons à 90% pour la rougeole, où les admissions sont passées de 149 (moyenne annuelle 2017-20) à 15 en 2020-21.
Réduction de la mortalité infantile d’origine infectieuse
Les réductions sont similaires dans toutes les régions géographiques et pour tous les groupes ethniques de Grande-Bretagne, ainsi que chez les enfants souffrant de maladies préexistantes qui sont les plus exposés au risque de maladie grave et de décès par infection.
Le nombre absolu de décès dans les 60 jours suivant l'admission à l'hôpital pour une septicémie, une méningite, une bronchiolite, une pneumonie, un wheezing d’origine virale et une infection des voies respiratoires supérieures a également diminué, bien que les chercheurs notent que la proportion d'enfants admis pour une pneumonie et décédés dans les 60 jours a augmenté.
La pyélonéphrite (infection rénale) est la seule infection de l’enfance pour laquelle le nombre d'admissions à l'hôpital n'a pas diminué. Selon les auteurs, cela pourrait s'expliquer par un retard de soins durant la pandémie.
Des résultats paradoxaux en apparence
Les chercheurs anglais de l'Université d'Oxford ont réalisé cette étude pour analyser l’impact de la Covid-19 sur les programmes de vaccination des enfants qui ont été perturbés et les visites aux urgences qui ont été retardées par la surcharge des personnels de santé liée à la Covid-19.
Ils ont analysé les taux d'admission à l'hôpital et les résultats en matière de mortalité pour 19 infections respiratoires infantiles, avant et après le début de la pandémie en Angleterre. Leur analyse comprenait les données de tous les enfants âgés de 0 à 14 ans admis dans un hôpital du NHS en Angleterre pour une infection entre le 1er mars 2017 et le 30 juin 2021.
Les infections respiratoires courantes comprenaient l’angine, la grippe et la bronchiolite, tandis que les infections invasives graves comprenaient la septicémie, la méningite et l'ostéomyélite. Les maladies évitables par la vaccination comprenaient la rougeole, les oreillons et plusieurs causes bactériennes de maladies graves. Les facteurs potentiellement influents, notamment le sexe, l'âge, le groupe ethnique, la région géographique, la privation et les conditions existantes (comorbidités) ont été pris en compte.
Une étude observationnelle
Il s'agit de résultats d'une étude observationnelle, qui ne permettent donc pas d'établir de causalité réelle, sauf si une ré-augmentation des infections se produit réellement en 2022 avec le relâchement des mesures. Surtout, il est particulièrement intéressant de voir que même des infections bactériennes graves (à Staphylococcus aureus, Streptococcus pyogenes…) ont diminué, ce qui remet en cause leur physiopathologie.
Les chercheurs concluent donc qu'une série de changements de comportements (adoption d'interventions non médicamenteuses) et de stratégies sociétales (fermeture des écoles, confinement et restriction des déplacements) utilisés pour réduire la transmission du SARS-CoV-2, ont également réduit les admissions pour des infections infantiles courantes et graves, virales et bactériennes, en Angleterre.
Et bien que nombre de ces mesures ne soient généralement pas viables en dehors de la pandémie en raison de leur impact financier et sociétal négatif, ils suggèrent que certaines d'entre elles pourraient être maintenues, en particulier pendant les mois d'hiver, « pour minimiser la charge sur les systèmes de santé et protéger les enfants vulnérables ». Ils proposent donc des études pour analyser le bénéfice réel des mesures les plus simples à mettre en œuvre (masques, lavage des mains…), afin de les proposer en toute connaissance de cause.
De toute façon, ces analyses sont essentielles à la bonne gestion de la prochaine pandémie, quelle qu’en soit la date.