Diabétologie
Apnée obstructive du sommeil avec obésité : un agoniste GIP/GLP1 pourrait changer le paradigme
Présentés au congrès 2024 de l’American Diabetes Association, les résultats initiaux de l'essai SURMOUNT-OSA montrent l’intérêt du tirzépatide comme traitement adjuvant dans le traitement de l’apnée obstructive du sommeil associée à une obésité.
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L'apnée obstructive du sommeil (AOS) est un trouble respiratoire fréquent, à l’origine de ronflements, de réveils nocturnes récidivants, d’un sommeil non réparateur avec somnolence diurne excessive, et elle augmente le risque cardiovasculaire. Principal facteur de risque de l’AOS, le surpoids serait responsable d'environ 60% des cas d'apnée obstructive du sommeil modérées à sévères aux États-Unis.
À l’inverse, la perte de poids a un impact positif démontré sur l’apnée obstructive du sommeil et les recommandations de bonnes pratiques cliniques suggèrent des stratégies de perte de poids comme partie intégrante de sa prise en charge. Malheureusement, du fait de la difficulté de l’obtenir, l'intégration de la perte de poids dans les approches thérapeutiques de l’apnée du sommeil n’est pas toujours de mise, alors même que les spécialistes du sommeil reconnaissent les limitations des traitements actuels ce cette affection, comme le traitement par pression positive continue (CPAP), qui est abandonné par près de 50% des patients dans les trois ans suivant son initiation.
Les résultats prometteurs de l'essai SURMOUNT-OSA
Les résultats de l'essai SURMOUNT-OSA, évaluant le tirzépatide, un agoniste double des récepteurs du glucagon-like peptide-1 (GLP-1) et du polypeptide insulinotrope dépendant du glucose (GIP), pour traiter les patients souffrant d’apnée obstructive du sommeil modérée à sévère associée à une obésité, ont été présentés au congrès 2024 de l’American Diabetes Association et publiés simultanément dans le New England Journal of Medicine.
L'essai a inclus deux sous-études du traitement par tirzépatide : l'une impliquant des patients recevant un traitement CPAP stable et l'autre impliquant des patients pour qui le traitement CPAP avait échoué ou s'était avéré inacceptable.
Sur une période de 52 semaines, le traitement par tirzépatide à une dose de 10 à 15 mg par semaine, entraîne une réduction de poids d'environ 16 à 17% par comparaison au placebo dans les deux sous-études. Cette perte de poids s'accompagne d'une réduction de l'index d'apnée-hypopnée (IAH) de 20 à 24 événements par heure par rapport au placebo, soit une réduction relative de 48 à 56%. La majeure partie de cette réduction de l'IAH est apparente dès les 20 premières semaines de traitement, lorsque les patients ont atteint les doses ajustées appropriées de tirzépatide.
Une amélioration cliniquement significative des niveaux de pression artérielle systolique est également observée, en particulier chez les patients ne recevant pas de traitement CPAP. Le tirzépatide a un profil d'effets secondaires acceptable, la plupart de ceux-ci étant gastro-intestinaux.
Une incertitude sur l’effet réel du tirzépatide
Cependant, d’après les experts présents à l’ADA 2024, il n’est pas certain que le tirzépatide améliore directement l’apnée obstructive du sommeil, car une modification de l'IAH n'avait pas été validée comme un critère d’évaluation au préalable. Les chercheurs rapportent des améliorations significatives de la qualité du sommeil nocturne et des scores sur les évaluations de la somnolence diurne (évaluations Patient-Reported Outcomes Measurement Information System (PROMIS)). Toutefois, la pertinence de ces nouveaux critères est limitée dans les études de traitement de l’apnée obstructive du sommeil, et les travaux préliminaires indiquent que la différence cliniquement importante minimale pour les deux instruments PROMIS pourrait être plus importante que la réduction d'environ 3 points des scores T observée avec le tirzépatide comparé au placebo dans cette étude.
D’autres données de l'essai SURMOUNT-OSA, qui n’ont pas été présentées à l’ADA, ni publiées, seront nécessaires pour comprendre pleinement l'ampleur du bénéfice clinique et permettre des comparaisons avec les traitements existants pour l’apnée obstructive du sommeil.
Cependant, l'amélioration de la pression artérielle systolique observée avec le tirzépatide en adjuvant est nettement supérieure aux effets observés sur la pression avec le traitement CPAP seul, ce qui indique que le tirzépatide pourrait être une option attractive pour les patients cherchant à réduire leur risque cardiovasculaire. Des essais à long terme du tirzépatide, axés sur les événements cardiovasculaires majeurs, seront nécessaires pour confirmer cette approche.
Des perspectives intéressantes
Une limitation majeure du traitement CPAP dans l’apnée obstructive du sommeil a été la mauvaise adhérence au traitement (50%). Bien que l’adhérence au tirzépatide dans l'essai SURMOUNT-OSA ait été élevée, les chiffres en vie réelle font plutôt état d’un taux d’abandon de traitement identique (50% dans les 12 mois) chez les patients débutant un traitement par un agoniste du récepteur GLP-1 pour obésité.
Ainsi, il est probable que toute incorporation du tirzépatide dans les algorithmes de traitement de l’apnée obstructive du sommeil associée à l’obésité ne devra pas faire l’impasse sur des stratégies à long terme d’adhérence au traitement et de coût. Des analyses complémentaires des effets du tirzépatide sur une gamme plus large de mesures de critères rapportés par les patients par l'équipe de SURMOUNT-OSA seront attendues avec impatience pour évaluer l'utilité potentielle du tirzépatide comme traitement de l’apnée obstructive du sommeil.
Les résultats initiaux de l'essai SURMOUNT-OSA montrent l’intérêt potentiel du tirzépatide comme traitement adjuvant pour traiter l'obésité associé à l’apnée obstructive du sommeil.