Rhumatologie
Polyarthrite rhumatoïde : la rémission sans traitement dans les formes modérées
L’arrêt du traitement semble possible chez près de 4 patients sur 10 souffrant d’une polyarthrite modérée et traités par un traitement de fond (DMARD) synthétique classique.
- ruivalesousa/istock
La polyarthrite rhumatoïde est une maladie chronique, mais grâce à un traitement de fond (DMARD) ajusté sur la rémission (« Treat-to-Target ») visant une rémission durable, elle est devenue une maladie plus contrôlable, dans laquelle la rémission clinique est devenue un résultat atteignable pour un nombre croissant de patients.
Dans The Lancet Rheumatology, Katja Kjørholt et ses collègues donnent un éclairage sur la réduction progressive des DMARD synthétiques classiques chez les patients souffrant de polyarthrite rhumatoïde en rémission prolongée. Après trois ans, 38 % des patients souffrant de polyarthrite rhumatoïde qui ont réduit progressivement leur traitement et l'ont interrompu ont pu atteindre une rémission durable sans DMARD.
Comparé à la fourchette de 10 à 20% donnée par une revue systématique récente, ce résultat semble être nettement plus élevé chez les patients utilisant uniquement des DMARD synthétiques classiques. Cette étude semble confirmer que les patients qui n'ont besoin que de DMARD synthétiques classiques pourraient être plus à même d'atteindre une rémission durable sans DMARD que ceux qui sont traités par des DMARD biologiques.
Une étude randomisée avec 2 protocoles de réduction de dose
Dans cette étude ouverte, randomisée et contrôlée de non-infériorité, une équipe de recherche norvégienne a recruté 156 patients âgés de 18 à 80 ans souffrant de polyarthrite rhumatoïde et ayant été en rémission soutenue pendant au moins un an sous un traitement par DMARD de synthèse stable. Ils ont été randomisés pour recevoir des DMARDs synthétiques à dose stable, des DMARDs synthétiques à demi-dose ou des DMARDs synthétiques à demi-dose pendant un an, suivis par l'arrêt de tous les DMARDs synthétiques. Le critère d'évaluation principal de cette partie de l'étude était la poussée de la maladie sur 3 ans, analysée comme la survie sans poussée et la différence de risque dans la population per-protocole avec une marge de non-infériorité de 20 %.
Au final, 139 patients ont terminé le suivi de 3 ans sans violation majeure du protocole. Au cours de la période d'étude, 80% (IC à 95% 69-88%) n'ont pas souffert de poussées dans le groupe à dose stable, contre 57% (41-71%) dans le groupe à demi-dose et 38% (22-53%) dans le groupe à demi-dose dégressive jusqu'au sevrage.
La réduction de dose favorise les poussées
Par rapport aux DMARD synthétiques classiques à dose stable, la différence de risque de poussée est de 23% (IC à 95% 6-41%, p=0,010) dans le groupe demi-dose et de 40% (22-58%, p<0,0001) dans le groupe demi-dose dégressive jusqu'au sevrage, la non-infériorité n'est donc pas démontrée. Des événements indésirables ont été rapportés chez 65 (83%) des 78 patients du groupe à dose stable, 36 (90%) des 40 patients du groupe à demi-dose et 36 (97%) des 37 patients du groupe à demi-dose dégressive jusqu'au sevrage.
Cependant, le traitement dégressif n'est pas sans risque. Par rapport aux DMARD synthétiques classiques à dose stable, la différence de risque de poussée est de 23% (IC à 95% 6-41%, p=0,010) dans le groupe demi-dose et de 40% (22-58%, p<0,0001) dans le groupe demi-dose dégressive jusqu'à l'arrêt du traitement. Bien que 38% des patients aient pu atteindre une rémission durable sans DMARD, d'autres patients ont besoin d'un traitement plus intensif et ont eu une progression plus importante des lésions articulaires radiographiques.
Une stratégie de diminution de dose pour les PR sous DMARDs synthétiques classiques
Les patients qui ont le plus de chances d'obtenir une rémission durable sans DMARD seraient ceux qui souffrent d'une maladie moins grave, caractérisée par des anticorps anti-protéines anticitrullinées négatifs, une activité de la maladie plus faible au départ et une durée des symptômes plus courte. Les études de réduction progressive ont surtout été réalisées chez des patients qui utilisaient des DMARD biologiques, mais ces patients ont probablement une maladie plus grave, car ils ont besoin d'un DMARD biologique pour atteindre la rémission et on peut s'attendre à ce qu'ils aient plus de difficultés à se passer d'un DMARD dans ces conditions.
Une des limites importantes de l'étude est le processus de randomisation qui n'a pas été effectué en aveugle. Néanmoins, les résultats de cette étude montrent de manière convaincante des taux plus élevés de rémission durable sans DMARD chez les patients qui diminuent progressivement les DMARD synthétiques classiques par rapport aux essais précédents qui se concentraient sur la diminution progressive des DMARD biologiques.
À l'avenir, la réduction du risque de poussée devrait être justifiée dans les études de réduction progressive. Pour ce faire, des experts recommandent de procéder à une stratification adéquate du risque au préalable, par exemple en utilisant le statut des anticorps anti-protéines citrullinées.