Rhumatologie

Maladies auto-immunes : la révolution des CAR-T cells est en marche

Les CAR-T cells anti-CD19, après avoir révolutionné le traitement des hémopathies, semblent apporter un bénéfice net et durable dans les formes sévères et résistantes des maladies auto-immunes, bien au-delà des biothérapies anti-CD20 (lupus, myopathies sclérodermie). Il apparaît ainsi qu'au moins une partie de l'auto-immunité dépendante de la lignée B réside au-delà des lymphocytes B eux-mêmes, dans les plasmablastes et les cellules plasmatiques.

  • Nemes Laszlo/istock
  • 24 Fév 2024
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    Depuis une trentaine d’années, le paysage des maladies auto-immunes a été transformé par l'émergence des biothérapies ciblées, offrant des rémissions sous traitement prolongées aux patients. Malgré cela, les traitements actuels restent principalement suppressifs, ce qui impose de les donner à vie. Cependant, une étude observationnelle avec un suivi prolongé, publiée dans le New England Journal of Medicine, met en lumière l'efficacité d'une perfusion unique de CAR-T cells anti-CD19 chez 15 patients atteints d'une maladie auto-immune systémique sévère (lupus, myopathies ou sclérodermie).

    Quinze mois en médiane après la perfusion de CAR-T cells anti-CD19, tous les patients ont obtenu une rémission ou une réduction significative des symptômes, une disparition des autoanticorps et ont pu arrêter tout traitement immunosuppresseur et anti-inflammatoire, y compris les corticoïdes. Cette avancée suggère un potentiel curatif, changeant radicalement la perspective de la gestion des maladies auto-immunes les plus sévères.

    Un suivi de cas de maladies auto-immunes sévères

    Quinze patients atteints de LED sévère (n = 8), de myosite inflammatoire idiopathique (n = 3) ou de sclérodermie (n = 4) qui ont reçu une perfusion unique de CAR-T cells anti-CD19 après un conditionnement associant fludarabine et cyclophosphamide ont été suivi jusqu’à 2 ans. L'efficacité à 15 mois de médiane après la perfusion de CAR-T cells a été évaluée au moyen des critères de rémission et de réponse clinique majeure validés pour ces maladies. Les variables de tolérance, y compris le syndrome de libération de cytokines et les infections, ont été enregistrées.

    La durée moyenne de l'aplasie des lymphocytes B a été de 112±47 jours. Tous les patients souffrant de lupus ont eu une rémission DORIS, tous les patients souffrant de myosite inflammatoire idiopathique ont eu une réponse clinique majeure ACR-EULAR, et tous les patients souffrant de sclérodermie ont eu une diminution du score de l'indice d'activité EUSTAR. Le traitement immunosuppresseur a été complètement arrêté chez tous les patients.

    Un syndrome de libération de cytokines de grade 1 est survenu chez 10 patients. Un patient a présenté un syndrome de libération de cytokines de grade 2, un syndrome de neurotoxicité associée aux cellules effectrices immunitaires de grade 1 et une pneumonie qui a entraîné une hospitalisation.

    Mécanismes d'action et implications

    Les CAR-T cells ciblant CD19 se sont révélées être une avancée majeure, non seulement dans le traitement de certains lymphomes et leucémies à cellules B mais aussi maintenant dans le domaine de l'auto-immunité. Leur efficacité repose sur deux propriétés distinctives : une capacité à cibler les cellules de la lignée B plus largement que les anticorps monoclonaux anti-CD20, puisqu’ils toucheraient aussi les plasmablastes et une majorité des cellules plasmatiques, ainsi qu’une puissance de déplétion supérieure aux anticorps, probablement due à une meilleure pénétration tissulaire et à leur cytotoxicité intrinsèque.

    Cette approche offre une perspective de traitement allant au-delà de la suppression des symptômes, suggérant une potentialité de remédiation durable de l'auto-immunité par éradication de la mémoire immunitaire pathogène.

    Vers une nouvelle stratégie thérapeutique

    L'avenir de la thérapie par CAR-T cells anti-CD19 dans le traitement des maladies auto-immunes s'annonce prometteur, stimulé par des résultats préliminaires encourageants en termes d'efficacité et de sécurité, cette dernière étant meilleure que l’autogreffe de cellules souche hématopoïétique. Les maladies comme le lupus érythémateux systémique et la sclérodermie, parmi d'autres, pourraient bénéficier significativement de cette approche innovante. Cependant, la route est encore longue, nécessitant des essais de phase 2 pour une compréhension approfondie et une évaluation des risques potentiels.

    Dans les hémopathies, outre le risque immédiat de relargage cytokinique et d’atteinte cérébrale, désormais mieux maîtrisés, le suivi à long terme des malades en rémission fait apparaître un risque d’aplasie B avec hypogammaglobulinémie et des infections, ainsi qu’un risque très faible mais réel de cancers secondaires. Le coût et l'acceptabilité de la thérapie CAR-T restent également des considérations importantes, bien que le potentiel de réduction des coûts à long terme et l'avantage d'une gestion plus efficace des maladies auto-immunes chroniques et sévères justifient un optimisme mesuré.

    En conclusion

    Selon un éditorial associé, les cellules CAR-T représentent une avancée significative dans la lutte contre les maladies auto-immunes, offrant une lueur d'espoir pour des traitements plus efficaces et potentiellement curatifs. L'une des principales implications de ces travaux est donc qu'au moins une partie de l'auto-immunité dépendante de la lignée des lymphocytes B réside au-delà des lymphocytes B eux-mêmes, dans les plasmablastes et les cellules plasmatiques.

    Alors que la recherche progresse, l'impact de ce traitement sur la vie des patients atteints de maladies auto-immunes sévère pourrait redéfinir les paradigmes de traitement existants si les études de phase 2 et phase 3 confirment ces résultats.

     

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