Infectiologie
Dengue : épidémie sévère au Brésil et risques pour l'hémisphère nord
Alors que le Carnaval de Rio a commencé ce vendredi, le Brésil connaît une épidémie de dengue exceptionnellement importante, une maladie parfois mortelle et transmise par les moustiques. Les experts en santé publique estiment qu'il s'agit d'un signe avant-coureur d'une recrudescence des cas dans les Amériques, et dans l'hémisphère nord.
- GiovanniSeabra/istock
La situation sanitaire contraste avec les festivités du Carnaval, qui ont débuté ce vendredi 9 février. En effet, la ville de Rio de Janeiro est en état d’urgence à cause d’une épidémie de dengue. Celle-ci ne touche pas que les entant et fait courir un risque également aux personnes âgées du fait des sérotypes inhabituels en circulation;
En janvier 2024, plus de 11.200 cas de dengue ont été recensés dans la ville, selon l’observatoire épidémiologique de la municipalité. "Nous avons déjà enregistré près de la moitié des cas de toute l'année précédente, ce qui suscite une vive inquiétude", indique Daniel Soranz, le secrétaire municipal à la Santé de Rio, à CNN Brasil. Sur la même période, 362 personnes ont été hospitalisées à Rio à cause de cette maladie.
L’épidémie de dengue liée aux fortes chaleurs et aux précipitations
Le virus de la dengue est transmis par des moustiques du genre Aedes. Selon les autorités, la montée de cette épidémie serait liée à El Niño et au changement climatique. "Une chaleur record et des précipitations supérieures à la moyenne depuis l'année dernière ont augmenté les foyers de transmission par les moustiques", indique Nísia Trindade, la ministre brésilienne de la Santé, dans un communiqué.
Pour endiguer l’épidémie, qui ne touche pas que les enfants cette année, la ville de Rio de Janeiro a ouvert dix centres de soin et un centre d'urgence a été mis en place par le ministère de la Santé pour coordonner les opérations. "C'est le moment d'intensifier les soins et la prévention. Il est temps que tout le Brésil s'unisse contre la dengue", assure Nísia Trindade.
L’État d’urgence dans trois États brésiliens
Au niveau national, l’inquiétude est aussi présente car en ce début d’année, déjà 365.000 cas de dengue ont été enregistrés, soit quatre fois plus qu'au cours de la même période en 2023. Quarante décès ont aussi été confirmés. D’ailleurs, Rio n’est pas le seul État à avoir déclaré l’état d’urgence. Deux autres, le Minas Gerais - deuxième État le plus peuplé - et le District fédéral l’avaient déjà faits.
Une campagne de vaccination va être mise en place dans tout le pays avec pour objectif de vacciner 3,2 millions de personnes en 2024. Mais la ministre de la Santé, Nísia Trindade, prévient qu’elle “se fera progressivement, étant donné le nombre limité de doses produites par le laboratoire de fabrication”.
Une forte épidémie ou une évolution ?
Le ministère brésilien de la santé prévoit plus de 4,2 millions de cas cette année, soit plus que les 4,1 millions de cas enregistrés l'an dernier par l'Organisation panaméricaine de la santé pour l'ensemble des 42 pays de la région. Le Brésil s'attendait à une mauvaise année pour la dengue, le nombre de cas du virus augmente et diminue généralement selon un cycle d'environ quatre ans, mais les experts affirment qu'un certain nombre de facteurs, notamment El Niño et le changement climatique, ont considérablement amplifié le problème cette année.
Le nombre de cas de dengue a également grimpé en flèche en Argentine, en Uruguay et au Paraguay au cours des derniers mois, pendant l'été de l'hémisphère sud, et le virus se déplacera vers le haut du continent au cours de la saison.
L'Organisation mondiale de la santé a prévenu que la dengue devenait rapidement un problème de santé publique urgent dans le Monde, avec un nombre record de cas l'année dernière, voire d'épidémies dans des pays, tels que la France Métropole, qui n'ont jamais signalé la maladie par le passé.
Des moustiques qui deviennent résistant et diffusent la maladie
Les trois quarts des personnes souffrant de la dengue ne présentent aucun symptôme et, parmi celles qui en ont, la plupart ne ressemblent qu'à une légère grippe. Mais certaines infections par la dengue sont graves et provoquent des maux de tête, des vomissements, une forte fièvre et des douleurs articulaires qui donnent à la maladie le surnom de "fièvre des os cassés".
Un cas grave de dengue peut laisser une personne affaiblie pendant des semaines. Et environ 5 % des personnes malades évolueront vers ce que l'on appelle la dengue sévère, qui provoque une fuite de plasma hors des vaisseaux sanguins. Certains patients peuvent avoir un état de choc, avaec une défaillance des organes.
La dengue sévère a un taux de mortalité compris entre 2 et 5% chez les personnes dont les symptômes sont traités par des transfusions sanguines et des fluides intraveineux. En l'absence de traitement, le taux de mortalité est de 15%.
Des sérotypes inhabituels et qui n'ont pas circulé depuis 20 ans
La dengue se présente sous la forme de quatre sérotypes différents, qui sont comme des virus cousins. Une infection précédente par l'un d'entre eux n'offre qu'une protection à court terme contre une infection par un autre, et une personne ayant déjà souffert d'un sérotype de dengue par le passé court un risque plus élevé de développer une dengue sévère à la suite d'une infection par un autre sérotype.
"Il y a actuellement au Brésil des sérotypes qui n'ont pas circulé depuis 20 ans", a déclaré au New York Times le Dr Ernesto Marques, professeur agrégé de maladies infectieuses et de microbiologie à l'université de Pittsburgh, exposant les adultes et les personnes âgées à des formes graves.
Un espoir pour 2025 avec un nouveau vaccin monodose
Le Brésil a lancé une campagne d'urgence pour vacciner les enfants dans les zones souffrant des taux ou des risques les plus élevés de transmission de la dengue, à l'aide d'un vaccin à deux doses appelé Qdenga, fabriqué par la société pharmaceutique japonaise Takeda. Mais même en ayant commandé plusieurs millions de doses, cela suffit à peine à couvrir moins de 10% de la population brésilienne sur deux ans.
La seule bonne nouvelle concernant la dengue au Brésil pour le moment est la publication des résultats des essais cliniques d'un nouveau vaccin testé par le centre d'études de santé publique Instituto Butantan à São Paulo. Ce vaccin ne nécessite qu'une seule injection et un essai de phase III a montré qu'il protégerait 80% des personnes vaccinées contre le développement de la dengue. Le centre d'étude demandera au gouvernement brésilien d'approuver le vaccin et dispose des installations nécessaires à sa production, l'objectif étant de commencer à administrer les vaccins en 2025.