Neurologie

Alzheimer : des cas transmis témoignent de la possibilité d’une pathogénie prion-like

De rares cas de maladie d'Alzheimer acquis après traitement dans l’enfance par une hormone de croissance extractive témoignent de la possibilité d’une transmission interhumaine et de processus pathologiques similaires à ceux des maladies à prions avec les protéines bêta-amyloïdes et tau, mal repliées.

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  • 30 Jan 2024
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    Même si les processus qui conduisent à la maladie d’Alzheimer son encore incomplètement connus, une accumulation dans le cerveau de protéines bêta-amyloïdes et tau, mal repliées, constitue la base de la physiopathologie de cette maladie.

    On pensait jusqu’à présent que les formes précoces de cette démence étaient liées à des anomalies génétiques. Une nouvelle étude observationnelle, menée par des chercheurs britanniques chez 5 personnes traitées dans l’enfance par une hormone de croissance extractive, pourrait complètement changer notre vision.

    L'étude, publiée dans la revue Nature Medicine, fournirait la première preuve de la possibilité d’une transmission interhumaine de la maladie d'Alzheimer, via la transmission éventuelle de la protéine bêta-amyloïde mal repliée, un composant clé de la maladie d'Alzheimer lorsqu'elle forme des plaques dans le cerveau.

    Une maladie transmissible dans certains cas

    Selon les auteurs de l’étude, la maladie d'Alzheimer pourrait être transmissible, dans certaines circonstances, d'une manière similaire à celle des « maladies à prions », une famille de maladies neurodégénératives progressives rares connues pour être associées à des prions, comme la maladie de Creutzfeldt-Jakob ou MCJ.

    Bien que la maladie d'Alzheimer ne soit pas une maladie à prions « stricto sensu », certaines études antérieures suggèrent que les deux protéines mal repliées qui caractérisent la maladie d'Alzheimer, la protéine bêta-amyloïde et la protéine tau, pourraient se comporter comme des prions.

    Les résultats de cette étude ne suggèrent absolument pas que la maladie d'Alzheimer puisse être contagieuse, ou se propager comme les infections virales ou bactériennes, par exemple, mais elle soulève de nouvelles questions sur physiopathologie de la maladie d'Alzheimer et d'autres maladies dégénératives selon les auteurs.

    Cinq enfants qui n’ont pas développé une maladie de Creutzfeldt-Jakob

    Entre 1959 et 1985, les 5 patients de l’étude faisaient partie des 1 848 enfants au moins qui, au Royaume-Uni, ont reçu une hormone de croissance humaine extraite à partir d’hypophyse de cadavres. Cette approche thérapeutique a été abandonnée après que l'on a découvert que des cas d'une maladie cérébrale à prion rare, la maladie de Creutzfeldt-Jakob, étaient associés à l'administration d'hormone de croissance humaine contaminée extraite de cadavres. Ces 5 patients n’ont pas contracté la MJC.

    Une étude antérieure a suggéré que l'exposition répétée, sur plusieurs années, à des traitements à base d'hGH extraite de cadavres qui avaient été contaminés à la fois par des prions associés à la maladie de Creutzfeldt-Jakob et par des protéines bêta-amyloïde mal repliées, pouvaient également transmettre la maladie d'Alzheimer. Les prions sont des protéines qui peuvent agir comme des agents transmetteurs de maladies neurodégénératives.

    Les maladies à protéines mal repliées

    En effet, l’implication des mécanismes des maladies à prions concerne un spectre beaucoup plus large de maladies neurodégénératives humaines les plus courantes, y compris les maladies d'Alzheimer et de Parkinson, puisqu’elles impliquent l'accumulation et la propagation d'assemblages de protéines hôtes mal repliées dans ce qui est souvent décrit comme une modalité « à la manière des prions » ou « prion-like ».

    L'étape centrale, que l'on peut artificiellement reproduire in vitro, est un changement de conformation d'une protéine native en une protéine apte à l'auto-agrégation, sous une forme essentiellement formée de feuillets β. Ce modèle, qui a été initialement évoqué chez certains malades Creutzfeldt-Jakob, a été confirmé avec la transmission expérimentale de la pathologie démontrée chez les primates ou les modèles de souris en 2015.

    Toutefois, l'importance pour la maladie humaine n'était pas claire jusqu'à la reconnaissance de la transmission humaine de la pathologie amyloïde-bêta (Aβ) par des voies iatrogènes après des périodes d'incubation prolongées, provoquant une angiopathie amyloïde cérébrale iatrogène (CAA) et soulevant la possibilité que la maladie d'Alzheimer iatrogène puisse survenir avec un temps de latence encore plus long.

    Des preuves de la transmission des protéines bêta-amyloïdes mal repliées

    En 2015, les chercheurs avaient donc déjà décrit une transmission possible de la protéine bêta-amyloïde via l'hormone de croissance d'un cadavre à un receveur, puis en 2018, ils ont démontré ce phénomène sur des souris de laboratoire. « Nous fournissons maintenant la preuve que la maladie d'Alzheimer est également transmissible (chez l’homme) dans certaines circonstances », ont écrit les chercheurs de l'University College London et du National Hospital for Neurology and Neurosurgery au Royaume-Uni dans leur article.

    Ils ajoutent toutefois que ce type de transmission est « rare » et que rien ne suggère que la protéine bêta amyloïde puisse être transmise entre personnes dans le cadre d'activités quotidiennes ou de soins médicaux de routine modernes. Cependant, « sa reconnaissance souligne la nécessité de revoir les mesures visant à prévenir les transmissions accidentelles via d'autres procédures médicales et chirurgicales », ont également écrit les chercheurs.

    Revoir la science des protéines amyloïdes et tau dans la maladie d’Alzheimer

    James Galvin, directeur du Comprehensive Center for Brain Health de l'UHealth, Miami, qui n'a pas été impliqué dans l'étude mais a été interviewé par CNN à son propos, a déclaré que c’est la première fois qu’il entend parler de la possibilité d’une transmission de la maladie d'Alzheimer chez l'homme. « Je dirais qu'à ce stade, il n'y a rien de plus à faire sur le plan de la pratique clinique, mais cela permet certainement de poser de nouvelles questions scientifiques. Les protéines impliquées dans les maladies du cerveau, telles que la protéine à prion dans la maladie de Creutzfeldt-Jakob et l'encéphalopathie spongiforme bovine, sont transmissibles », a-t-il déclaré.

    « En outre, d'autres protéines impliquées dans des maladies, telles que l'alpha-synucléine dans la maladie de Parkinson et la démence à corps de Lewy, partagent certaines de ces propriétés mais ne semblent pas être transmissibles. La science des protéines amyloïdes et tau dans la maladie d'Alzheimer devra peut-être être revue ».

     

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