Diabétologie
Diabète de type 1 : un inhibiteur de JAK préserve les cellules β pancréatiques productrices d'insuline
Un premier essai international offre un nouvel espoir pour le diabète de type 1 : le baricitinib, un inhibiteur de JAK1 et 2 couramment prescrit par voie orale dans la polyarthrite rhumatoïde, pourrait freiner la progression d’un diabète de type 1 récemment diagnostiqué. Une autre possibilité d'agir sur l'auto-immunité serait un anti-CD3.
- myboxpra/istok
Le diabète de type 1 est une maladie auto-immune caractérisée par la destruction rapide des cellules β pancréatiques productrices d'insuline par des lymphocytes T auto-réactifs chez les enfants. Des traitements qui bloquent la signalisation des cytokines ou qui ciblent les lymphocytes T ou B ont été évalués avec succès dans des modèles animaux.
Les inhibiteurs de Janus kinase (JAK), dont le baricitinib (un inhibiteur de JAK1 et 2), bloquent la signalisation des cytokines et sont des traitements de fond efficaces pour plusieurs maladies auto-immunes (polyarthrite rhumatoïde, rhumatisme psoriasique, MICI, pelade…).
Un premier essai international chez l’homme, financé par la Fondation internationale de la recherche sur le diabète (JDRF) et publié dans le New England Journal of Medicine, montre que le baricitinib, un inhibiteur de JAK1 et 2 administré par voie orale, peut préserver la production d'insuline par l'organisme et freiner l'évolution du diabète de type 1 chez les personnes qui ont commencé le traitement dans les 100 jours suivant le diagnostic.
Préservation de la production résiduelle d’insuline par le pancréas
La médiane du taux moyen de peptide C (témoin de la production d’insuline pancréatique) stimulé par un repas mixte à la semaine 48 est de 0,65 nmol par litre et par minute dans le groupe baricitinib (intervalle interquartile, 0,31 à 0,82) et de 0,43 nmol par litre et par minute dans le groupe placebo (intervalle interquartile, 0,13 à 0,63) (p=0,001).
La dose quotidienne moyenne d'insuline à 48 semaines est de 0,41 U par kilogramme de poids corporel par jour dans le groupe baricitinib (IC à 95%, 0,35 à 0,48) et de 0,52 U par kilogramme par jour dans le groupe placebo (IC à 95%, 0,44 à 0,60). Les taux d'hémoglobine glyquée sont similaires dans les deux groupes de l'étude. Cependant, le coefficient moyen de variation du taux de glucose à 48 semaines, mesuré par surveillance continue du glucose, est de 29,6 % dans le groupe baricitinib (IC à 95 %, 27,8 à 31,3) et de 33,8 % dans le groupe placebo (IC à 95 %, 31,5 à 36,2).
La fréquence et la gravité des effets indésirables sont similaires dans les deux groupes de l'essai, et aucun effet indésirable grave n'a été attribué au baricitinib ou au placebo.
Un essai multicentrique et randomisé
L'essai de phase 2 sur l'homme, randomisé, en double aveugle, testant le baricitinib versus placebo, a permis de surveiller la glycémie et la production d'insuline de 91 jeunes diabétiques de type 1 récemment diagnostiqués sur une période d'un an. Parmi ces patients, âgés de 10 à 30 ans à l’inclusion et souffrant d'un diabète de type 1 diagnostiqué au cours des 100 jours précédents, 60 ont reçu du baricitinib (4 mg une fois par jour) et 31 un placebo.
Le critère principal était le taux moyen de peptide C (représentatif de la quantité d'insuline produite de manière endogène), déterminé à partir de l'aire sous la courbe de concentration en fonction du temps, au cours d'un test de tolérance à un repas mixte de 2 heures à la semaine 48. Les chercheurs ont également contrôlé la dose quotidienne totale d'insuline des participants, leur glycémie et leur taux d'HbA1C.
Les inhibiteurs de JAK bloquent l'activation des lymphocytes T CD8+
Les lymphocytes T CD8+ autoréactifs du diabète de type 1 se lient au peptide auto-antigène lié aux molécules HLA de classe I à la surface des cellules β et sont activées par ce peptide, ce qui entraîne la libération de perforine et de granzymes qui provoquent la mort des cellules β. Il a été démontré que l'interaction entre les lymphocytes T CD8+ et les molécules HLA de classe I nécessite des molécules de signalisation intracellulaire associées à Janus kinase (JAK).
Les inhibiteurs des isoformes JAK1 et JAK2 diminuent l'expression de la classe I du complexe majeur d'histocompatibilité induite par les cytokines dans les îlots de Langerhans et les cellules d'îlots de Langerhans en culture, diminuent l'activation des lymphocytes T CD8+ et bloquent la formation de synapses immunitaires entre les cellules β et les lymphocytes T CD8+ pour empêcher la mort des cellules β.
En outre, des mutations activatrices des molécules de signalisation STAT 110 (signal transducer and activator of transcription) et STAT311 en aval des JAK sont associées au développement d'un diabète auto-immun.
Un effet purement suspensif à ce stade
Chez des patients souffrant d'un diabète de type 1 d'apparition récente, un traitement quotidien par baricitinib pendant 48 semaines semble préserver la fonction des cellules β, estimée par le taux moyen de peptide C stimulé par un repas mixte. Dans les études pré-cliniques, les souris diabétiques non obèses qui ont connu une rémission du diabète de type 1 grâce à un traitement par inhibiteur de JAK ont également eu une rechute progressive après l'arrêt de ce traitement et chez les patients atteints d'alopécie auto-immune et d'arthrite juvénile idiopathique, on a observé une rechute après l'arrêt du traitement par inhibiteur de JAK.
On peut donc supposer qu'une perte de la fonction des cellules β sera observée chez les participants de l’étude après l'arrêt du baricitinib. Dans les essais futurs, les chercheurs pourraient envisager d'administrer le baricitinib aux patients tant que la fonction des cellules β persiste ou, plus précocement dans le cours évolutif du diabète de type 1, à un stade où il serait encore possible de modifier le cours évolutif de la maladie auto-immune.
Une autre stratégie de préservation des cellules bêta résiduelles
Les traitements qui bloquent la signalisation des cytokines ou qui ciblent les lymphocytes T ou B ont été évalués, mais ils impliquent donc une administration continue du traitement ou entraînent une déplétion à long terme des cellules immunitaires, ce qui soulève des problèmes de sécurité, en particulier chez les enfants.
Le teplizumab, un anticorps monoclonal humanisé dirigé contre le CD3 sur les cellules T, est approuvé par la Food and Drug Administration pour retarder l'apparition du diabète de type 1 clinique (stade 3) chez les patients âgés de 8 ans ou plus souffrant d'une maladie préclinique (stade 2). Dans un essai de phase 3, randomisé et contrôlé versus placebo, également publié dans le NEJM, deux cures de 12 jours de teplizumab chez des enfants et des adolescents souffrant d'un diabète de type 1 nouvellement diagnostiqué montrent un bénéfice par rapport au critère principal de préservation de la fonction des cellules β, mais aucune différence significative entre les groupes n'a été observée en ce qui concerne les critères secondaires.
Les patients souffrant de teplizumab (217 patients) avaient des taux de peptide C stimulé significativement plus élevés que les patients recevant le placebo (111 patients) à la semaine 78 (différence moyenne des moindres carrés, 0,13 pmol par millilitre ; IC à 95 %, 0,09 à 0. 17 ; p<0,001), et 94,9 % (IC à 95 %, 89,5 à 97,6) des patients souffrant de teplizumab ont maintenu un pic de peptide C cliniquement significatif de 0,2 pmol par millilitre ou plus, contre 79,2 % (IC à 95 %, 67,7 à 87,4) des patients recevant le placebo.
Les effets indésirables sont survenus principalement en association avec l'administration du teplizumab ou du placebo et comprenaient des céphalées, des symptômes gastro-intestinaux, des éruptions cutanées, une lymphopénie et un léger syndrome de libération de cytokines. Les effets à long terme de ce type de traitement ne semblent pas entraîner d'immunosuppression chronique dans des études de suivi à long terme.
Traiter encore plus tôt
Si l’on tire un parallèle avec la rhumatologie, la gastro-entérologie et la dermatologie où les inhibiteurs de JAK et les biothérapies ciblant les lymphocytes sont utilisées depuis de nombreuses années, plutôt que d’envisager un traitement immunomodulateur chronique dans le diabète de type 1, il serait plus intéressant de contrer le dysfonctionnement auto-immun plus tôt encore dans le cours évolutif de la maladie auto-immune. Dans la plupart des maladies auto-immunes, il existe en effet un stade très précoce (« fenêtre d’opportunité ») où les traitements immunomodulateurs modifient réellement le cours évolutif de la maladie, transformant une maladie agressive pour les structures du corps humain, en une maladie moins délétère.
Les chercheurs s’orientent donc sur le traitement des formes précliniques. Malheureusement, les personnes en bonne santé et qui vont souffrir d’une maladie auto-immune sont pour le moment difficile à identifier car la présence d’auto-anticorps n’est pas en elle-même annonciatrice à 100% de la maladie : il y a des problèmes de taux d’anticorps et de contexte génétique et familial. C’est donc le sens des cohortes de non-malades qui sont actuellement mises en place afin de déterminer un seuil d’auto-anticorps significatif ou une association de critères associés aux auto-anticorps qui le sont. La recherche avance désormais à grand pas dans ces maladies.