Gastro-entérologie
MICI : des levures de l'industrie l'agro-alimentaire comme piste thérapeutique
Manger certains fromages pourrait-il permettre de soulager l'inflammation intestinale dans les MICI ? Peut-être pas... Mais une nouvelle étude suggère que certaines levures utilisées par l'industrie agro-alimentaire pour la production de fromage ont un potentiel anti-inflammatoire possiblement utile pour la prise en charge des MICI.
- ttsz/istock
Le microbiote est au centre de nombreuses pathologies, notamment les pathologies inflammatoires intestinales (MICI), à la fois pour y identifier de potentielles causes mais aussi comme espoir de traitement. Actuellement sont plutôt étudiées les bactéries du microbiote. Quant aux levures, on connaît plutôt leur valeur biotechnologique dans l'industrie agroalimentaire, puisqu'elles sont utilisées depuis des siècles pour la production d'aliments et boissons faisant partie du patrimoine français : pain, vin ou encore fromage.
Mais des chercheurs français viennent de mettre en évidence, dans une étude publiée dans la revue mSystems que certaines levures fréquemment utilisées dans les process agro-alimentaires pourraient aussi avoir un rôle anti-inflammatoire sur les intestins.
Chez la souris, deux levures réduisent l'activité de la maladie intestinale et la perte de poids
L'équipe de chercheurs de l'INRAE (Institut National de Recherche pour l'Agriculture, l'Alimentation et l'Environnement) en collaboration avec IFF (International Flavor and Fragrances) et l'AP-HP a étudié le potentiel inflammatoire de 5 levures couramment utilisées en agro-alimentaire : C. jadinii, D. hansenii, K. unispora, K. lactis et P. membranifaciens. Ils ont provoqué chez des souris, via l'ingestion de sel de sodium au sulfate de dextrab, un modèle in vivo d'inflammation intestinale proche de la rectocolite hémorragique. Chaque souris a ensuite reçu un traitement intensif de plusieurs jours à base d'une des 5 souches de levures étudiées.
Les résultats montrent que le traitement par deux de ces 5 levures, C. jadinii et K. lactis, a eu un effet positif sur l'inflammation intestinale de la colite. Il a permis une amélioration significative pendant la période de poussée et la phase de récupération en réduisant la perte de poids et l'indice d'activité de la maladie « avec des niveaux de protection comparables aux niveaux atteints lorsque la ciclosporine A, molécule anti-inflammatoire était utilisée comme contrôle positif » précisent les auteurs.
Les mécanismes d'action restent à identifier
D'autres études sont nécessaires pour envisager d'utiliser ces levures dans la prise en charge des pathologies intestinales inflammatoires. Les chercheurs précisent en effet que les mécanismes restent à identifier pour mieux comprendre leur rôle sur le microbiote et comprendre leur action sur la santé des intestins.
L'étude a tout de même permis de montrer que le traitement par l'une des levures en question, C. jadinii, aidait au développement de bactéries aux effets bénéfiques pour le microbiote et à la réduction des pathobiontes.
Le fromage comme traitement des MICI ?
Les résultats de cette recherche « suggèrent [donc] que les souches C. jadinii et K. lactis ont un potentiel en tant que souches de levure probiotiques pour lutter contre l'inflammation dans l'intestin » conclut les auteurs. Ces deux levures se retrouvent notamment dans le brie, le munster ou encore le pecorino.
Il n 'est bien sûr pas question de conseiller le fromage comme traitement à nos patients MICI, mais il est fort à parier que dans quelques années, la prise en charge de ces pathologies intégrera davantage l'équilibre du microbiote et possiblement via un régime alimentaire dédié.
[Clothilde1]https://journals.asm.org/doi/10.1128/msystems.00841-23