Oncologie
Cancer médullaire de la thyroïde : changement de standard en 1ère ligne ?
Dans le carcinome médullaire de la thyroïde muté RET, un anti-RET en première intention prolonge la durée de vie. Ces résultats soulignent l’importance du dépistage systématique de la mutation RET chez tous les patients souffrant de ce type de cancer au stade avancé.
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Lors d'un symposium présidentiel du congrès de l’European Society for Medical Oncology, le Pr Julien Hadoux (Gustave Roussy) a présenté les résultats de l'essai de phase III LIBRETTO-531 dans le carcinome médullaire de la thyroïde muté RET, résultats publiés conjointement dans le New England Journal of Medicine.
Chez les patients atteints de carcinome médullaire de la thyroïde (MTC) muté RET, l’essai a satisfait à ses critères d'analyse intermédiaire en matière d'efficacité, avec des résultats significativement améliorés dans le groupe selpercatinib en première ligne, un inhibiteur de RET hautement sélectif, par rapport à un inhibiteur multikinase (MKI) (LBA3). La tolérance s’est révélée bonne ce qui ouvre la voie à un changement de standard de traitement de ce type de cancer difficile à traiter.
Une étude randomisée sur 12 mois
Après un suivi médian de 12 mois, la survie médiane sans progression (PFS) n’est pas atteinte dans le groupe selpercatinib contre 16,8 mois dans le groupe inhibiteur multikinase choisi par le médecin (cabozantinib ou vandétanib) (HR = 0,280 ; IC à 95% 0,165-0,475 ; p<0,0001) chez 291 patients souffrant d'une maladie progressive n'ayant jamais reçu d'inhibiteur de kinase.
Le taux de réponse global est de 69,4% avec le selpercatinib contre 38,8% avec l’inhibiteur multikinase. La survie globale (OS) après un suivi médian de 15 mois est également meilleure avec le selpercatinib (HR = 0,374 ; IC à 95% 0,147-0,949 ; p=0,0312). À noter une amélioration clinique immédiatement perçue pour les malades avec un arrêt des diarrhées incoercibles dont ils sont affligés avec ce type de cancer.
Les réductions de dose (38,9% contre 79,2% avec le cabozantinib et 72,0% avec le vandétanib) et les arrêts définitifs de traitement en raison d'effets indésirables (4,7% contre 26,8%) ont été moins fréquents avec le selpercatinib qu'avec les inhibiteurs multikinases.
Un nouveau standard en 1ère ligne ?
D’après le Pr Rocío García-Carbonero de l'Hospital Universitario 12 de Octubre, Madrid, qui commentait cette étude : « ces résultats confirment définitivement la supériorité du selpercatinib sur les inhibiteurs multikinases, tant du point de vue statistique que du point de vue clinique. La tolérance est également meilleure avec le selpercatinib, comme le montre le nombre moins élevé de réductions de dose et d'arrêts de traitement ».
Le selpercatinib est déjà autorisé dans le carcinome médullaire de la thyroïde muté RET en raison des taux de réponse élevés chez les patients n'ayant jamais reçu d’inhibiteur multikinase et après échec à partir des résultats de l'essai LIBRETTO-001, qui n'était pas contrôlé et n'avait pas fait l'objet d'une randomisation. « L'essai randomisé LIBRETTO-531 inclut un grand nombre de patients (compte tenu du fait qu'il ne s'agit pas d'une maladie fréquente) et il est désormais incontestable que le selpercatinib devrait être le choix de première intention pour les carcinomes médullaires de la thyroïde mutés RET, même si je pense que de nombreux centres l'utilisent déjà en première intention pour les patients connus pour être RET-positifs ».
Éviter les pertes de chances
García-Carbonero souligne l'importance de tester tous les patients ayant un carcinome médullaire de la thyroïde pour les mutations RET, qui sont très fréquentes dans ces cancers et seraient présentes dans plus de 95% des carcinomes héréditaires et environ la moitié des carcinomes sporadiques. « Le problème est que le testing RET n'est pas effectué de manière systématique dans tous les centres et qu'il faut y remédier ». « Le test en amont devrait être systématique pour tous les patients avant de commencer le traitement, afin que ceux qui souffrent de mutations RET puissent recevoir du selpercatinib ».
En ce qui concerne les marqueurs prédictifs, le Pr García-Carbonero précise : « À l'heure actuelle, hormis les récepteurs de la somatostatine, il n'existe pas de marqueurs prédictifs validés à utiliser dans le traitement ciblé des tumeurs neuroendocrine (NETs) ou pour prédire les réponses au traitement. Ces tumeurs n’ont pas de nombreuses mutations récurrentes et les patients reçoivent donc généralement plusieurs options thérapeutiques, mais dans des séquences différentes, dans l'espoir que l'une d'entre elles soit efficace. Il reste encore beaucoup à faire pour aider à guider la médecine personnalisée et élargir les options thérapeutiques pour les patients souffrant de NETs ».
Hadoux J, et al. Randomized phase 3 study of selpercatinib versus cabozantinib or vandetanib in advanced, kinase inhibitor-naïve, RET-mutant medullary thyroid cancer. ESMO Congress 2023, LBA3