La question pratique du Pr Jean-François Bergmann
Quand commencer les anticoagulants après un AVC sur FA ?
Pourquoi cette question ? Le combat neurologues vs cardiologues… Après un AVC ischémique chez un malade en fibrillation atriale (FA), l'indication aux anti-coagulants est formelle mais quand commencer ? Le plus tôt possible disent les cardiologues car le malade en FA a de fortes chances de refaire un thrombus intra-auriculaire et de récidiver un AVC. Pas trop tôt disent les neurologues qui redoutent la transformation hémorragique dans le territoire de l'AVC ischémique.
Une étude suisse a tranché : en commençant tôt (entre J2 et J4 selon la sévérité de l'AVC) on ne risque pas plus (mais plutôt moins) de nouvel accident neurologique qu'il soit ischémique ou hémorragique
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Dans une étude récente publiée dans le New England Journal of Medicine, des chercheurs ont examiné l'efficacité des anticoagulants oraux précoces chez les patients après un AVC ischémique. Les résultats suggèrent qu'une initiation précoce de ces médicaments pourrait réduire le risque de rechute, mais des incertitudes persistent quant à l'ampleur réelle de cet avantage.
Les AVC ischémiques sont l'une des principales causes de décès et d'incapacité dans le Monde. Les anticoagulants oraux directs sont souvent prescrits pour prévenir les rechutes chez les patients atteints de fibrillation atriale, une affection cardiaque courante associée à un risque accru d'AVC. Cependant, le moment optimal pour commencer ces médicaments après un AVC n'a pas été clairement établi.
Pour répondre à cette question, l'étude, menée dans 15 pays et comprenant plus de 2000 participants, a comparé deux groupes de patients : Le premier groupe a reçu des anticoagulants dans les 48 heures suivant un AVC mineur ou modéré, ou entre les jours 6 et 7 après un AVC majeur. Le deuxième groupe a commencé le traitement plus tardivement, entre les jours 3 et 4 après un AVC mineur, entre les jours 6 et 7 après un AVC modéré, ou entre les jours 12 et 14 après un AVC majeur.
Un risque réduit de rechute… mais de quelle ampleur ?
Les résultats montrent que le groupe bénéficiant d'une initiation précoce des anticoagulants a un risque réduit de rechute d'AVC par rapport au groupe de traitement différé avec un taux d’évènement neuro-vasculaires ischémiques ou d’hémorragies intra-cérébrales ou de saignements majeurs ou d’embolies systémiques de 2,9% dans le bras AOD précoce versus 4,1% dans le bras AOD plus tardif.
Un intervalle de confiance large
Toutefois, il convient de noter que l'intervalle de confiance des résultats est large, ce qui soulève des incertitudes quant à l'ampleur exacte de cette réduction de risque.
L'intervalle de confiance est une mesure statistique qui évalue la précision des résultats d'une étude. Dans ce cas, l'intervalle de confiance variait de -2,84 à 0,47, indiquant une certaine incertitude quant à l'efficacité réelle de l'administration précoce des anticoagulants. La variation du risque se situe donc entre une diminution à moins de 1,5% et une augmentation à 4,6% pour une incidence de 4,1% dans le bras contrôle avec AOD retardé.
Malgré cette incertitude, les chercheurs ont également constaté qu'il n'y avait pas de différence significative dans l'incidence des hémorragies cérébrales : deux cas dans chaque groupe.
Cela suggère que l'administration précoce des anticoagulants ne semble pas augmenter le risque de saignement intracrânien par rapport à un traitement différé.
Une approche personnalisée s’impose
Cette étude suscite des questions importantes pour les professionnels de la santé, car elle souligne le potentiel bénéfice d'une initiation précoce des anticoagulants chez les patients ayant subi un AVC ischémique.
Cependant, en raison de l'incertitude entourant les résultats, il est essentiel de prendre en compte les caractéristiques individuelles des patients, les risques de saignement et les recommandations cliniques spécifiques avant de décider du moment optimal pour débuter le traitement.
L’un des auteurs de l'étude, souligne l'importance d'une approche personnalisée et basée sur les preuves dans le traitement des patients victimes d'AVC.
« Bien que nos résultats suggèrent un potentiel bénéfice de l'administration précoce des anticoagulants, il est crucial de considérer les données dans leur ensemble et de prendre en compte les spécificités de chaque cas individuel », explique-t-il.
Une étude indépendante
Cette étude -financée par la Swiss National Science Foundation et d'autres organismes de recherche, démontre l'intérêt scientifique et clinique accordé à la question de l'administration précoce des anticoagulants après un AVC.
Les résultats de cette étude contribuent à combler cette lacune de connaissances, en montrant que l'administration précoce des anticoagulants pourrait réduire le risque de rechute d'AVC. Cependant, en raison de l'intervalle de confiance relativement large des résultats, des études supplémentaires sont nécessaires pour confirmer ces conclusions et évaluer plus précisément l'efficacité de cette approche.
Il est important de noter que cette étude a été conduite en ouvert mais menée sur un nombre important de participants provenant de différents pays, ce qui renforce la fiabilité des résultats. De plus, le suivi des patients jusqu'à 90 jours après l'AVC permet d'évaluer à la fois les résultats à court et à moyen terme.
En pratique
Les cliniciens devront tenir compte de ces nouvelles données lorsqu'ils prendront des décisions de traitement pour les patients victimes d'AVC. Une approche individualisée, en tenant compte des facteurs de risque individuels, des caractéristiques du patient et des recommandations cliniques spécifiques, sera essentielle pour optimiser les bénéfices et minimiser les risques liés à l'utilisation des anticoagulants.
En fin de compte, cette étude fournit une nouvelle perspective sur l'administration précoce des anticoagulants oraux directs après un AVC ischémique. Elle souligne l'importance de la recherche continue dans ce domaine et l'importance d'une prise de décision éclairée et basée sur des preuves solides pour améliorer les résultats cliniques chez les patients atteints d'AVC.
Le commentaire du Pr Bergmann
Moins de rechutes d’AVC si anticoagulants précoces ….MAIS « pas si clair » car l’intervalle de confiance est relativement large ; cependant a priori pas plus de risques d’hémorragies cérébrales
Dans cette étude, les investigateurs ont constaté que l'administration précoce d'anticoagulants oraux directs (AOD) après un AVC ischémique était associée à une réduction du risque de récidive d'AVC par rapport à une administration plus tardive : 2,9% d’évènements neurologiques hémorragiques ou ischémiques versus 4,1%. Cependant, il convient de noter que les résultats ne sont pas totalement concluants en raison de l'intervalle de confiance relativement large.
L'intervalle de confiance est une mesure statistique qui indique la précision des résultats d'une étude. Plus l'intervalle de confiance est large, moins la précision des résultats est élevée. Dans cette étude, l'intervalle de confiance était de -2,84 à 0,47 pour les événements liés à la principale issue composite, ce qui signifie que les résultats pouvaient varier de 2,84 points de pourcentage inférieurs à 0,47 point de pourcentage supérieurs. Donc la « vérité » sur la variation du risque se situe donc entre une diminution maximale à moins de 1,5% et une augmentation maximale jusqu’à 4,6% pour une incidence de 4,1% dans le bras contrôle avec AOD retardé. Cela indique une certaine incertitude quant à l'ampleur réelle de l'effet de l'administration précoce des anticoagulants.
Cependant, il est important de noter que les résultats indiquent qu'il n'y a pas de différence significative dans l'incidence des hémorragies cérébrales symptomatiques entre les deux groupes de traitement (deux cas dans chaque groupe de 1000 malades). Cela suggère que l'administration précoce des anticoagulants n’augmente pas le risque d'hémorragie intracrânienne par rapport à une administration plus tardive.
Dans l'ensemble, bien que l'administration précoce des anticoagulants soit associée à une réduction potentielle du risque de récidive d'AVC, les prescripteurs prenant en compte ces résultats lorsqu'ils mettent en route un traitement anticoagulant par AOD, doivent aussi considérer les caractéristiques individuelles de chaque patient, les risques de saignement et les recommandations cliniques spécifiques avant de décider du moment optimal pour initier les anticoagulants après un AVC ischémique. Une approche personnalisée et basée sur les preuves est essentielle pour assurer des soins optimaux aux patients