Hématologie
LLC/lymphome lymphocytique : Venetoclax-Obinutuzumab en 1ère ligne
L’essai CLL13/GAIA a évalué l’association à durée fixe d’une immunothérapie par Obinutuzumab ou Rituximab à une thérapie ciblée inhibant BCL2 (le Venetoclax), +/- combinée à un inhibiteur de BTK (Ibrutinib), en comparaison à une séquence d’immunochimiothérapie lors du traitement de première ligne de patients atteints de leucémie lymphoïde chronique (LLC) ou de lymphome lymphocytique (LL) sans anomalie de TP53.
- Mohammed Haneefa Nizamudeen/istock
Les traitements par inhibiteurs de BTK (iBTK) et de BCL2 (iBCL2) remplacent progressivement les stratégies d’immunochimiothérapie dans le traitement des patients atteints de LLC/LL 1,2. Ainsi, le Venetoclax, mimétique des BH3 inhibant la signalisation BCL2 et entraînant la mort cellulaire des cellules de LLC, a permis par combinaison aux anticorps monoclonaux anti-CD20 d’obtenir des maladies résiduelles (MRD) indétectables et des bénéfices significatifs de survie sans-progression chez les patients âgés et/ou comorbides et/ou en situation de rechute 2,3.
D’autre part, son association avec les iBTK a également permis l’obtention de MRD indétectables et de durées prometteuses de réponse dans ce contexte 4,5. Face à la nécessité d’essais cliniques prospectifs et randomisés évaluant l’efficacité et la tolérance des combinaisons en première ligne, les auteurs de l’étude CLL13/GAIA ont comparé les associations Obinutuzumab-Venetoclax (Ven-Obi), Ven-Obi-Ibrutinib (Ven-Obi-Ibru), Venetoclax-Rituximab (Ven-R) et l’immunochimiothérapie chez les patients atteints de LLC, sans anomalie de TP53, et naïfs de traitement 6.
Quatre groupes de traitement à l’étude
Entre Décembre 2016 et Octobre 2019, 926 patients ont été inclus dans cette vaste étude : 229 dans le groupe immunochimiothérapie (ICT), 237 dans le groupe Venetoclax-Rituximab (Ven-R), 229 dans le groupe Ven-Obi et 231 dans le groupe Ven-Obi-Ibru. Le respect du nombre de cycles était élevé dans chaque groupe : de 81,5% des patients dans le groupe ICT à 93,9% des patients dans le groupe Ven-Obi.
Dans le groupe Ven-Obi-Ibru, 90% des patients avaient reçu 12 cycles de traitement et l’interruption du traitement était liée à l’obtention d’une MRD indétectable (2 mesures consécutives). L'arrêt précoce du traitement était principalement la cause des effets indésirables ou de la progression de la maladie. Les principaux critères d'évaluation étaient les taux de MRD indétectable dans le sang et la survie sans progression.
Des gains significatifs de MRD indétectable et de survie sans-progression
Au mois 15, les pourcentages de patients présentant une MRD indétectable sont respectivement de 86,5% (95%CI 80,6-91,1) dans le groupe Ven-Obi, 92,2% (95%CI 87,3-95,7) dans le groupe Ven-Obi-Ibru, 57,0% (95%CI 49,5-64,2) dans le groupe Ven-R et 52,0% (95%CI 44,4-59,5) dans le groupe ICT. Le taux de MRD indétectable est significativement supérieur dans le groupe Ven-Obi (P<0.001).
Avec un suivi médian de 38,8 mois, la survie sans-progression à 3 ans est significativement supérieure dans le groupe Ven-Obi-Ibru (90,5%) et dans le groupe Ven-Obi (87,7%), en comparaison au groupe ICT (75,5% ; HR 0,32, 95%CI 0,19-0,54, P< 0,001 et HR 0,42, 95%CI 0,26-0,68, P< 0,001). Parmi les patients exprimant un statut IGHV-non muté, 86,6% dans le groupe Ven-Obi-Ibru, de 82,9% dans le groupe Ven-Obi, 76,4% dans le groupe Ven-R et 65,5 % dans le groupe ICT sont en survie sans-progression à 3 ans, contre 96,0%, 93,6%, 87,0% et 89,9% chez les patients exprimant un statut IGHV-muté.
Un profil de tolérance dominé par les infections
Une interruption précoce du traitement est retrouvée pour 9,8% des patients en raison d’effets indésirables (15,3 dans le groupe ICT, 5,9% dans le groupe Ven-R, 5,7% dans le groupe Ven-Obi et 12,6% dans le groupe Ven-Obi-Ibru). Les cytopénies et les infections, qui sont les principaux effets indésirables graves (grade ≥3), sont observés chez 47,7% des patients du groupe ICT, 40,1% des patients du groupe Ven-R, 44,7% du groupe Ven-Obi et 50,2% du groupe Ven-Obi-Ibru.
Les syndromes de lyse tumorale, définis selon les critères de Cairo-Bishop, sont de grade 3 et surviennent plus fréquemment dans les groupes Ven-R et Ven-Obi. Des effets indésirables létaux, notamment infectieux, surviennent chez 3,9% des patients (4,6% dans le groupe ICT, 3,4% dans le groupe Ven-R, 3,9% dans le groupe Ven-Obi et 3,9% dans le groupe Ven-Obi-Ibru).
Conclusion
Les résultats de cette étude démontrent que l’association à durée fixe Ven-Obi, associée ou non à l’Ibru, permet d’obtenir des réponses plus longues et plus profondes que l’immunochimiothérapie en première ligne de traitement des patients jeunes atteints de LLC, sans anomalie de TP53. Cette combinaison thérapeutique fait désormais figure de gold-standard dans ce contexte.
Références
- Burger JA, Barr PM, Robak T, et al. Long-term efficacy and safety of first-line ibrutinib treatment for patients with CLL/SLL: 5 years of follow-up from the phase 3 RESONATE-2 study. Leukemia 2020;34:787-98.
- Seymour JF, Kipps TJ, Eichhorst BF, et al. Enduring undetectable MRD and updated outcomes in relapsed/refractory CLL after fixed-duration venetoclax-rituximab. Blood 2022;140:839-50.
- Fischer K, Al-Sawaf O, Bahlo J, et al. Venetoclax and Obinutuzumab in Patients with CLL and Coexisting Conditions. N Engl J Med 2019;380:2225-36.
- Kater AP, Levin MD, Dubois J, et al. Minimal residual disease-guided stop and start of venetoclax plus ibrutinib for patients with relapsed or refractory chronic lymphocytic leukaemia (HOVON141/VISION): primary analysis of an open-label, randomised, phase 2 trial. Lancet Oncol 2022;23:818-28.
- Rogers KA, Huang Y, Ruppert AS, et al. Phase II Study of Combination Obinutuzumab, Ibrutinib, and Venetoclax in Treatment-Naive and Relapsed or Refractory Chronic Lymphocytic Leukemia. J Clin Oncol 2020;38:3626-37.
- Eichhorst B, Niemann CU, Kater AP, et al. First-Line Venetoclax Combinations in Chronic Lymphocytic Leukemia. N Engl J Med 2023;388:1739-54.