Rhumatologie
Polyarthrite rhumatoïde : traiter une gingivopathie est essentiel
Les parodontites entraînent des passages répétés de bactéries buccales citrullinées de la muqueuse buccale dans la circulation sanguine. Celles-ci activent des monocytes inflammatoires, observés dans la synovite inflammatoire et dans le sang des patients atteints de PR, ainsi que les lymphocytes B sécréteurs d’ACPA.
- Marina Demeshko/istock
Les maladies parodontales sont plus fréquentes chez les personnes atteintes de polyarthrite rhumatoïde (PR) qui ont des anticorps anti-protéines citrullinées (ACPA) détectables, ce qui associe l'inflammation de la muqueuse buccale à la pathogenèse de la PR. De la même façon, les patients souffrant d'une gingivite répondent moins bien aux traitements de la polyarthrite rhumatoïde.
Une équipe de chercheurs américains a réalisé une analyse jumelée de la transcriptomique humaine et bactérienne dans des échantillons sanguins itératifs de patients atteints de polyarthrite rhumatoïde (PR). Les résultats, publiés dans Science Translational Medicine, suggèrent qu’une inflammation chronique des gencives les rendrait poreuses et permettrait aux bactéries de la bouche d’aller dans la circulation sanguine, activant une réponse immunitaire qui finit par cibler les propres protéines de l'organisme et provoquer des poussées de polyarthrite.
Une étude sérique longitudinale
Un laboratoire américain, à Stanford, suivait depuis plusieurs années un petit groupe de patients souffrant de polyarthrite rhumatoïde, prélevant chaque semaine des échantillons de sang et recherchant des changements dans l'expression des gènes, afin d'expliquer les raisons des poussées inflammatoires douloureuses. Les chercheurs ont remarqué que 2 de leurs patients, qui souffraient d'une maladie parodontale modérée à sévère, avaient des épisodes répétés de bactériémie d’origine buccale, même lorsqu'ils ne subissaient pas de soins dentaires.
Après un examen plus approfondi, l'équipe a découvert que les bactéries buccales qu'elle avait détectées dans le sang avaient également été citrullinées dans la bouche, tout comme les protéines ciblées par les auto-anticorps dans l'arthrite : les patients atteints de PR et de parodontite avaient des bactériémies d’origine buccale répétées et associées aux signatures transcriptionnelles des monocytes ISG15+HLADRhi et CD48highS100A2pos, récemment identifiées dans la synovite de la PR et dans le sang des personnes souffrant de poussées de PR.
Ils ont ensuite démontré que les mêmes auto-anticorps, qui s'attaquent aux protéines citrullinées de l'organisme, s'activeraient en réponse aux bactéries orales (citrullinées dans la bouche) observées transitoirement dans le sang, et leurs épitopes citrullinés in situ seraient ciblés par des ACPA largement hypermutés somatiquement et codés par les plasmablastes sanguins de la PR.
Traiter les parodontites
Les maladies parodontales entraîneraient donc une « porosité » des gencives, qui permettrait aux bactéries buccales de pénétrer dans le sang de façon répétée. Ce taux de bactéries buccales dans le sang ne provoque pas de symptômes cliniques évidents, de sorte que les patients n'en sont pas conscients, mais il déclenche des réponses inflammatoires systémiques et des auto-anticorps citrullinés qui sont très spécifiques de la polyarthrite rhumatoïde.
Ces résultats pourraient expliquer pourquoi les traitements de la polyarthrite rhumatoïde ne fonctionnent pas aussi bien chez les patients souffrant d'une gingivopathie. Si les gencives libèrent continuellement des déclencheurs immunitaires dans la circulation sanguine, traiter la polyarthrite sans d'abord résoudre le problème parodontal revient à essayer d'évacuer l'eau d'un navire sans d'abord colmater ses fuites.