Médecine générale
Perte de poids et agonistes du GLP-1 en vie réelle : taux d’abandon élevé et reprise limitée
Chez des obèses ou des adultes en surpoids, des données américaines de vie réelle à un an montrent un fort taux d’abandon du traitement par agonistes du GLP-1, ainsi qu’un faible taux de reprise, avec d’importantes disparités selon l’existence d’un diabète de type 2 ou le niveau socio-économique.
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La prévalence croissante de l’obésité et du surpoids, en particulier aux États-Unis (plus de 70% des adultes) a conduit à l’essor des agonistes du GLP-1 (liraglutide, semaglutide, tirzepatide). Ces médicaments offrent une perte de poids significative et une amélioration métabolique (réduction de l’HbA1c, diminution du risque cardiovasculaire) lorsqu’ils sont poursuivis sur le long terme. Cependant, peu de données étaient disponibles sur l’adhésion en vie réelle à ces traitements en population générale (avec ou sans diabète de type 2).
Les résultats du suivi à un an d’une vaste cohorte rétrospective portant sur 125 474 adultes avec un IMC ≥ 27, dont plus de 60% des participants avaient un diabète de type 2, sont publiés dans JAMA Nework Open.
Au cours de la première année suivant l’instauration du traitement, le taux d’abandon atteint 64,8% (IC à 95% : 64,4%-65,2%) chez les non-diabétiques, contre 46,5% (IC à 95% : 46,2%-46,9%) chez les diabétiques. Autrement dit, le taux de maintenance thérapeutique est meilleur chez les patients avec diabète de type 2. Le poids perdu pendant le traitement semble jouer un rôle protecteur : chaque réduction de 1% du poids initial s’associe à une baisse du risque d’abandon de 3,1% à 3,3%, selon le statut glycémique.
L’impact du niveau de revenu aux États-Unis
Dans l’analyse des sous-groupes, le niveau de revenu s’avère déterminant aux États-Unis : chez les patients diabétiques, un revenu annuel supérieur à 80 000 $ diminue significativement le risque d’interruption (HR = 0,72 ; IC à 95% : 0,69-0,76). La tolérance gastro-intestinale (nausées, vomissements, inconfort abdominal) favorise, au contraire, l’abandon de traitement : dans le diabète de type 2, l’incidence d’effets indésirables gastro-intestinaux modérés à sévères augmente de 38% le risque d’arrêter le traitement (HR = 1,38 ; IC à 95 % : 1,31-1,45).
Parmi les patients ayant interrompu leur aGLP-1, la reprise à un an apparait également plus faible en l’absence de diabète de type 2 (36,3% ; IC à 95% : 35,6%-37,0%) qu’en sa présence (47,3% ; IC à 95% : 46,6%-48,0%). Fait notable, chaque reprise de 1% de poids corporel après l’arrêt d’un aGLP-1 est liée à une augmentation de 2,3% à 2,8% de la probabilité de reprendre un agoniste du GLP-1. Ces observations soulignent l’importance du contrôle pondéral dans la dynamique de l’abandon et de la réintroduction thérapeutique.
Une analyse sur dossier d’un prestataire de soins aux USA
Ces résultats proviennent de l’analyse d’un vaste ensemble de dossiers médicaux électroniques (EHR) aux États-Unis, permettant de croiser données de prescription et mesures de poids chez des patients en « vie réelle » (avec ou sans couverture d’assurance, utilisation hors AMM...). Cette approche renforce la représentativité des conclusions, même si certains biais demeurent : par exemple, la disponibilité de mesures de poids à 60 jours ou la pénurie éventuelle de GLP-1 (non explicitement modélisée) peuvent limiter la précision des taux d’abandon et de reprise.
Selon les auteurs, ces observations suggèrent la nécessité de stratégies renforçant l’adhésion à long terme, et en particulier l’éducation sur la tolérance digestive et la mise en place de paliers d’escalade posologique peuvent améliorer la persistance. Il leur paraît nécessaire de souligner l’importance du maintien du traitement pour garantir la perte de poids et la protection métabolique.
Les perspectives incluent l’exploration plus fine des déterminants de la reprise du traitement (impact du coût réel, couverture par l’assurance, intensité du suivi médical). Il est nécessaire de prévoir des études randomisées visant à optimiser la prévention et la prise en charge des effets secondaires gastro-intestinaux. À terme, une meilleure équité d’accès et une approche personnalisée (prise en compte du statut diabétique, du niveau socio-économique, du profil de tolérance) pourraient réduire le taux d’abandon des agonistes du GLP-1 et accroître leurs bénéfices cliniques à long terme.