Hépatologie

Hémochromatose homozygote : risque de diabète même en cas de ferritinémie normale

En cas d’hémochromatose homozygote pour le variant C282Y, le risque de diabète est accru même avec si la saturation de la transferrine et la ferritinémie sont normales. Cette étude suggère de repenser le dépistage et la prise en charge précoce du diabète dans cette population, d'autant qu'une surmortalité y est associée.

  • Shidlovski/istock
  • 10 Déc 2024
  • A A

    La régulation du métabolisme du fer repose sur l’hormone hepcidine et le gène HFE, dont le variant C282Y est particulièrement fréquent chez les populations d’origine nord-européenne. Les homozygotes C282Y développent une hémochromatose héréditaire, caractérisée par une surcharge en fer pouvant favoriser cirrhose, diabète de type 2 et autres complications. Jusqu’ici, les recommandations cliniques s’appuyaient sur l’hypothèse que le risque métabolique était lié à l’excès de fer, évalué par une saturation de la transferrine (TSAT) et une ferritinémie élevées.

    Or, une étude prospective, publiée dans The BMJ, et menée sur 132 542 personnes génétiquement typées (dont 422 homozygotes C282Y) qui ont été suivies jusqu’à 27 ans, remet en cause ce postulat. Elle montre que le risque de diabète est augmenté chez les homozygotes C282Y, même lorsque TSAT et ferritine sont dans les valeurs normales. Plus encore, chez ces personnes, la présence de diabète s’accompagne d’une surmortalité significative.

    Augmentation du risque de diabète et de décès indépendant du bilan ferrique

    Les analyses établissent un hazard ratio (HR) de 1,72 (IC à 95% : 1,24-2,39) pour le diabète, 2,22 (1,40-3,54) pour la maladie hépatique, et 1,01 (0,78-1,31) pour la maladie cardiaque, en comparant les homozygotes C282Y aux non-porteurs. L’élévation du risque de diabète persiste même chez les homozygotes avec TSAT et ferritine normales, avec par exemple un HR de 3,76 (1,41-10,05) pour ceux ayant une ferritine normale et de 6,49 (2,09-20,18) lorsque TSAT et ferritine sont simultanément normales.

    La tolérance clinique, évaluée à travers la survie, révèle qu’une personne homozygote C282Y et diabétique a un risque de mortalité plus élevé que les diabétiques non-porteurs (HR : 1,94 ; 1,19-3,18). En conséquence, près de 27,3% des décès chez les homozygotes C282Y pourraient être attribuables au diabète. En revanche, l’étude ne retrouve pas d’augmentation du risque métabolique parmi les hétérozygotes H63D, les hétérozygotes C282Y, ou les homozygotes H63D.

    Trois larges cohortes prospectives au Danemark

    Ces données proviennent de trois cohortes danoises de population générale (Copenhagen City Heart Study, Copenhagen General Population Study et Danish General Suburban Population Study) où tous les participants ont été génotypés et suivis de façon prospective, avec un recueil exhaustif des hospitalisations et décès via des registres nationaux. Grâce à ce large échantillon et à une durée de suivi prolongée, la représentativité des résultats est importante, renforçant la validité externe des conclusions.

    Sur le plan clinique, ces résultats remettent en question les approches existantes, qui réservent le dépistage génétique aux personnes qui ont des anomalies biologiques du fer. Cette étude suggère qu’il serait pertinent de dépister et de surveiller les homozygotes C282Y pour le diabète, indépendamment des valeurs de TSAT et de ferritine.

    Les recherches futures, incluant éventuellement des essais cliniques randomisés, seront nécessaires pour déterminer si la prise en charge précoce du diabète, voire le choix de traitements antidiabétiques spécifiques, peut réduire la mortalité chez ces patients. En parallèle, un approfondissement des mécanismes moléculaires est requis afin de mieux comprendre l’origine de ce risque métabolique accru hors accumulation martiale et ainsi affiner les stratégies de prévention et de traitement.

     

    Pour laisser un commentaire, Connectez-vous par ici.
    
    -----