Rhumatologie
Rétinopathie et hydroxychloroquine : 3 facteurs de risque en plus de l’âge et de la dose
Une étude de cohorte révèle que l’âge, le sexe féminin, l’insuffisance rénale chronique et l’utilisation du tamoxifène augmentent le risque de rétinopathie liée à la prise prolongée d’hydroxychloroquine. Ces facteurs doivent être pris en compte dans les décisions de traitement et le suivi.
- Chris_Tefme/istock
L’hydroxychloroquine (HCQ) est un traitement largement utilisé pour les maladies auto-immunes rhumatologiques et dermatologiques en raison de son bon profil de sécurité. Cependant, son effet secondaire majeur lors du traitement prolongé reste la rétinopathie, une toxicité oculaire cumulative qui peut mener à une perte de vision.
Si la dose et la durée d’utilisation de l’HCQ sont des facteurs de risque connus, cette étude de cohorte, réalisée auprès de 4677 patients suivis sur 15 ans, révèle que d'autres facteurs tels que l’âge, le sexe féminin, l’insuffisance rénale chronique (IRC) de stade 3 ou plus, et l’utilisation concomitante de tamoxifène augmenteraient également le risque de rétinopathie. Les résultats de ce suivi montrent un risque multiplié par 5,68 chez les patients de 65 ans et plus, et presque quadruplé chez les femmes par rapport aux hommes. Ils sont publiés dans The JAMA Network.
Autres résultats et tolérance
Dans cette cohorte, 125 patients (3%) ont développé une rétinopathie liée à l’HCQ après 15 ans d’utilisation. L’analyse a montré que le risque de rétinopathie augmentait avec l’âge lors de l’initiation du traitement : comparativement aux patients de moins de 45 ans, les patients âgés de 45 à 54 ans ont un risque multiplié par 2,48 (IC à 95 %, 1,28-4,78), ceux âgés de 55 à 64 ans par 3,82 (IC à 95 %, 2,05-7,14), et ceux de 65 ans et plus par 5,68 (IC à 95 %, 2,99-10,79).
Le sexe féminin est un facteur de risque important (HR 3,83, IC à 95 %, 1,86-7,89), ainsi que l’IRC de stade 3 ou plus (HR 1,95, IC à 95 %, 1,25-3,04). L’utilisation du tamoxifène, bien que rare dans la cohorte, est également associée à un risque accru (HR 3,43, IC à 95 %, 1,08-10,89). En revanche, la prise de médicaments inhibant le métabolisme de l’HCQ via les enzymes du cytochrome P450 ne sont pas significativement liée à un risque plus élevé de rétinopathie.
Le risque de rétinopathie périphérique centrale serait particulièrement élevé chez les patients asiatiques (HR 15,02, IC à 95 %, 4,82-46,87) et les patients noirs (HR 5,51, IC à 95 %, 1,22-24,97) par rapport aux patients blancs non hispaniques, suggérant un lien possible entre la race et le type de rétinopathie.
Un vaste suivi de 15 ans
Cette étude repose sur une vaste cohorte longitudinale issue du réseau intégré de santé de Kaiser Permanente Northern California, incluant des patients suivis sur une période allant jusqu’à 15 ans. Le suivi rigoureux des prescriptions et des dépistages de la rétinopathie, basé sur des examens d’optique cohérente spectrale (OCT) avec lecture masquée, assure une grande fiabilité des résultats.
La méthodologie appliquée, avec ajustement pour les doses pondérées d'HCQ et les comorbidités, permet de limiter les biais liés à la sélection des patients ou à la confusion des résultats.
Cependant, certaines limites doivent être reconnues, notamment l’absence de mesure des niveaux sanguins d’HCQ et un nombre relativement faible de patients ayant développé une rétinopathie périphérique centrale, en particulier chez les patients noirs.
L’individualisation du traitement est indispensable
Ces résultats appellent à une individualisation accrue du suivi des patients sous HCQ, en tenant compte de facteurs de risque tels que l’âge, le sexe, la fonction rénale et l’utilisation concomitante de tamoxifène.
À l'avenir, des études complémentaires devraient explorer l’impact des polymorphismes génétiques sur la susceptibilité à la rétinopathie liée à l'HCQ, ainsi que l’évaluation de la rétinopathie dans d'autres populations raciales et ethniques. Ces facteurs pourraient également guider la prescription de doses plus faibles d’HCQ, tout en assurant un contrôle efficace des maladies sous-jacentes.
L’âge, le sexe féminin, l’IRC et l’utilisation du tamoxifène sont des facteurs de risque significatifs de rétinopathie liée à l’hydroxychloroquine. Un dépistage rigoureux et une adaptation de la posologie en fonction de ces facteurs peuvent améliorer la prévention de cette complication à long terme.