Hépatologie
Stéatose hépatique : bénéfice potentiel de l’aspirine à faible dose
Dans un essai clinique randomisé sur des adultes atteints de stéatose hépatique d’origine métabolique (MASLD), l'administration quotidienne d'une faible dose d'aspirine permettrait de réduire significativement la teneur en graisse du foie par rapport au placebo
- Jian Fan/istock
L'aspirine peut réduire la gravité de la maladie stéatosique du foie associée à un dysfonctionnement métabolique (MASLD) et diminuer l'incidence de l'insuffisance hépatique terminale et du carcinome hépatocellulaire chez les patients souffrant de cette stéatose hépatique.
Dans un essai clinique de phase 2 randomisé, publié dans le JAMA, et portant sur 80 adultes atteints de MASLD, 6 mois d'aspirine quotidienne à faible dose (81 mg d'aspirine par jour) permettent de réduire significativement la teneur en graisse du foie par rapport au placebo (différence moyenne, -10,2%). Ces résultats sont préliminaires et nécessitent d'être confirmés dans une population plus importante.
Des résultats statistiquement significatifs
Parmi les 80 participants randomisés (âge moyen, 48 ans ; taux moyen de graisse hépatique, 35% = stéatose modérée]), 71 (89%) ont terminé le suivi à 6 mois. Le changement absolu moyen de la teneur en graisse hépatique mesuré en IRM est de -6,6% avec l'aspirine contre +3,6% avec le placebo (différence, -10,2% [IC à 95%, -27,7 % à -2,6 %] ; p = 0,009).
Par rapport au placebo, le traitement par l'aspirine réduit également de manière significative la teneur relative en graisse hépatique (-8,8 vs 30,0 points de pourcentage ; différence moyenne, -38,8 points de pourcentage [IC à 95%, -66,7 à -10,8] ; p = 0,007), augmente la proportion de patients souffrant d'une réduction relative de 30% ou plus de la graisse hépatique (42,5% vs 12,5% ; différence moyenne, 30,0% [IC à 95%, 11,6% à 48,4%] ; p = 0,006), réduit la teneur absolue en graisse hépatique par IRM-PDFF (-2,7% vs +0,9% ; différence moyenne, -3,7% [IC à 95%, -6,1% à -1,2%] ; p = 0,004), et réduit la teneur relative en graisse hépatique par IRM-PDFF (-11,7 vs 15,7 points de pourcentage ; différence moyenne, -27,3 points de pourcentage [IC à 95%, -45,2 à -9,4] ; p = 0,003).
Treize participants (32,5 %) dans chaque groupe ont eu des effets indésirables, le plus souvent des infections des voies respiratoires supérieures (10,0% dans chaque groupe) ou des arthralgies (5,0% pour l'aspirine contre 7,5% pour le placebo). Un participant randomisé dans le groupe aspirine (2,5%) a souffert de brûlures d'estomac liées au médicament.
Une étude randomisée monocentrique sur 80 patients
Cet essai clinique de phase 2, randomisé, en double aveugle et contrôlé versus placebo, d'une durée de 6 mois, a été mené dans un seul hôpital de Boston, USA. Les participants étaient âgés de 18 à 70 ans et souffraient d'une MASLD établie mais modérée, sans cirrhose.
Les participants ont été randomisés pour recevoir, soit de l'aspirine une fois par jour, 81 mg (n = 40), soit des pilules de placebo identiques (n = 40) pendant 6 mois. Le critère d'évaluation principal était le changement absolu moyen de la teneur en graisse hépatique, mesuré par spectroscopie de résonance magnétique protonique (proton magnetic resonance spectroscopy ou MRS) après 6 mois de suivi.
Les 4 principaux résultats secondaires comprenaient la variation moyenne en pourcentage de la teneur en graisse hépatique par MRS, la proportion atteignant une réduction d'au moins 30% de la graisse hépatique, et les réductions absolues et relatives moyennes de la teneur en graisse hépatique, mesurées par l'imagerie par résonance magnétique à densité de protons de la fraction de la graisse (IRM-PDFF).
Une confirmation des études observationnelles
La maladie hépatique stéatosique associée à un dysfonctionnement métabolique (Metabolic dysfunction–Associated Liver Disease ou MASLD) est la cause la plus fréquente de maladie hépatique chronique dans les pays occidentaux. Jusqu'à un tiers des patients souffrant de MASLD développeront ensuite une stéatohépatite et une fibrose hépatique, évolutives, qui peuvent conduire à une cirrhose, un carcinome hépatocellulaire et au décès. Pourtant, il n'existe pas de médicament validé qui inverse efficacement et en toute sécurité la stéatose, l'inflammation et la fibrose hépatique.
L'aspirine pourrait représenter une stratégie prometteuse et peu coûteuse pour traiter la MASLD et prévenir la progression vers la fibrose, la cirrhose et un carcinome hépatocellulaire. Dans les études précliniques sur la stéatohépatite, les plaquettes sont les premières cellules à infiltrer le foie, favorisant l'inflammation en activant les cellules de Kupffer et en libérant des α-granules pro-inflammatoires. Dans ces modèles, l'aspirine inverse la stéatose et la nécroinflammation, et prévient la fibrose et le carcinome hépatocellulaire grâce à l'inhibition de l'activation des plaquettes et de la signalisation des cellules immunitaires par la glycoprotéine 1b α.
Conformément à ces résultats, des études d'observation et de petites études randomisées menées chez des patients atteints de MASLD ont montré que l'utilisation de l'aspirine serait associée à des taux plus faibles de progression de la maladie vers une fibrose avancée, de carcinome hépatocellulaire et de mortalité liée au foie. Dans cet essai clinique préliminaire randomisé, en double aveugle, versus placebo, mené auprès d'adultes atteints de MASLD, six mois d'aspirine quotidienne à faible dose (81 mg) permettent de réduire de manière significative la graisse hépatique absolue moyenne de 10,3% par rapport au placebo. L'aspirine entraîne également des réductions plus importantes des principaux critères d'évaluation secondaires préspécifiés, à savoir la variation en points de pourcentage de la graisse hépatique, les variations absolues et en points de pourcentage de la graisse hépatique par IRM-PDFF et la proportion de personnes ayant atteint une réduction de 30 points de pourcentage ou plus de la teneur en graisse hépatique. Une réduction de la graisse hépatique de 30 points de pourcentage ou plus a été définie comme un effet significatif du traitement dans les essais MASLD de phase précoce, sur la base d'améliorations histologiques correspondantes substantielles de la stéatohépatite et de la fibrose.
L'aspirine à faible dose a été sûre et bien tolérée. Il n'y a pas eu d'événements indésirables graves liés au médicament ni d'événements hémorragiques. Cependant, la durée du traitement était courte et des études portant sur la population générale ont rapporté un risque de saignement d'environ 1,7 événement/1000 personnes-années (IC à 95%, 0,65 à 3,10) associé à l'aspirine à faible dose. D'autres études portant sur un échantillon plus important sont nécessaires pour confirmer ces résultats.