Public, testostérone...

JO de Sotchi : jouer à domicile donne plus de force

Selon une étude britannique, les sportifs ont davantage de chance de gagner lorsqu'ils jouent à domicile. Cela s'explique par l'effet transcendant du public, mais aussi par des facteurs médicaux et psychologiques.

  • Par Bruno Martrette
  • Evgeni Plushenko, patineur artistique russe, champion olympique de 2006, Haruka Takahashi/AP/SIPA
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  • 08 Fév 2014
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    Les sportifs russes vont-ils rafler la majorité des médailles lors des Jeux olympiques d'hiver, qui se déroulent du 7 au Sotchi (Russie) ? A cette question que tout le monde se pose, des chercheurs anglais ont apporté des réponses en publiant une étude dans la revue américaine de l'Association for Psychological Science.
    Pour ces scientifiques de l'Université du Staffordshire, l'avantage de concourir à domicile est indéniable. Au travers d'une revue de la littérature scientifique, Mark S. Allen et Marc V. Jones relèvent plusieurs arguments à l'appui de cette thèse. Parmi eux, l'effet transcendant d'une foule qui vous soutient, les taux de testostérone élevés des sportifs qui jouent à domicile, ou encore le fait de ne pas se déplacer qui évite la fatigue d'un voyage. Grâce à l'analyse de médecins spécialistes du sport, pourquoidocteur décortique ces différents facteurs qui facilitent bien souvent la tache des "bookmakers". 

    Un taux de testostérone plus élevé chez les sportifs jouant à domicile
    La testostérone est une hormone stéroïdienne, du groupe des androgènes. Chez l'homme, elle est sécrétée essentiellement par les testicules (et en plus faibles quantités par les glandes surrénales et quelques autres tissus). C'est la principale hormone sexuelle mâle et le stéroïde anabolisant « originel ». Elle est ainsi associée à la compétition sociale et aux comportements de dominance. Elle augmente donc durant l'anticipation d'activités sportives et après la victoire.
    Dans leur publication, les chercheurs anglais font mention d'une « hausse des niveaux de testostérone avant les matchs à domicile chez les footballeurs. » Contacté par la rédaction de pourquoidocteur, le Dr Jean-Christophe Seznec, psychiatre spécialisé en psychopathologie du sport, raconte cette découverte.
    « Dans une étude récente, des chercheurs ont retrouvé des taux de testostérone plus élevés chez les footballeurs jouant à domicile, comparé à ceux qui jouaient à l'extérieur. Ces taux élevés augmentent, on le sait, le caractère de dominance. Les joueurs sont alors plus agressifs, et plus plus déterminés sur le terrain. Cet état d'excitation extrême explique sûrement pourquoi lorsqu'ils jouent à domicile les sportifs gagnent plus souvent. »
    Et ce dernier de rajouter que  « d'autres études ont aussi démontré que les gagnants synthétisaient plus la testostérone que les perdants. D'ailleurs, ce constat est le même dans les sports individuels. On a par exemple retrouvé des taux élévés de testostérone chez des grands joueurs d'échecs. Mais ces études ont eu aussi un effet pervers, celui de pousser encore davantage les sportifs vers un dopage à la testostérone. Ce changement a été notable dans le cyclisme professionnel. »
    Comme preuve de ce caractère de "dominant" que donne la testostérone, le Dr Jean-Christophe Seznec rappelle le surnom "les seigneurs" que se donnaient les cyclistes de l'équipe Festina lors du Tour de France de 1998. Cette année-là, l'équipe française menée par Richard Virenque a été exclue du tour pour dopage, notamment à la testostérone...

    Un public fidèle et passionné transcende les sportifs
    Par ailleurs, un autre élément est aussi susceptible de doper les performances des sportifs qui coucourent à domicile. Il s'agit du facteur "foule", comme le décrivent les psychiatres du sport. Dans la revue américaine, les médecins britanniques expliquent que jouer sur son terrain aurait pour effet de transcender les joueurs. Exemple, le club de rugby à XV de l'ASM Clermont Auvergne qui est invaincu sur son terrain depuis des années. Pour être plus précis, le club clermontois n'a pas subi la moindre défaite dans son antre, le "Stade Marcel-Michelin" depuis 4 ans.
    Ainsi, le 4 mai 2013, en remportant une large victoire 67 à 3 face à l'Union Bordeaux Bègles, l'ASM A battu le record du plus grand nombre de victoires sans interruption à domicile (60). Ce record est d'ailleurs toujours d'actualité avec une série en cours qui atteint aujourd'hui les 71 matchs sans défaite à domicile.
    En parallèle, le public clermontois rafle souvent la mise lors de la cérémonie annuelle "La Nuit du Rugby" avec le titre de meilleur public du top 14 (2007, 2008, 2009). Faut-il y voir un signe ?

    Autre exemple, celui des coupes du monde de football dans lesquelles les grandes nations de ce sport, lorsqu'elles organisent la compétition, s'emparent bien souvent du trophée Jules Rimet de la FIFA (1). L'exemple le plus célèbre, encore dans la mémoire de nombreux français, est très certainement celui de la Coupe du monde de football 1998. La France qui organisait l'évènement, est cette année-là sortie gagnante, avec une finale remportée 3 à 0 face au Brésil, dans un Stade de France en totale ébullition.
    Des contre-exemples existent cependant avec les défaites de l'Italie en 1990, et l'Allemagne en 2006, qui ne sont même pas arrivés en finale ces années-là, alors même que les deux pays organisaient la compétition.

    Ecoutez le Dr Jean-Christophe Seznec, psychiatre et médecin du sport : « Le public provoque un phénomène de ré-assurance chez les athlètes. Avoir des supporters passionnés est porteur pour les sportifs...»


    L'hormone du stress peut aussi inhiber certains athlètes à domicile 
    Et pour expliquer ces défaites surprenantes, il faut peut-être chercher du côté du cortisol, une hormone stéroïde qui est libérée dans l'organisme en réponse à un stress physique ou psychologique. Cette hormone, toujours d'après nos chercheurs britanniques, serait libérée en plus grande quantité lors des matchs à domicile chez certains sportifs.
    Ceci pourrait alors expliquer pourquoi des athlètes célèbres passent toujours à côté de leur compétition à chaque fois que l'évènement a lieu dans leur pays. Ici, on peut malheureusement citer le cas des tennismen français très performants lors des tournois mineurs de l'ATP, mais incapables de remporter le Grand Chelem parisien de Roland-Garros si ce n'est Yannick Noah.
    A ce titre, l'ancienne numéro 1 mondiale Amélie Mauresmo a toujours suscité beaucoup d'interrogations de la part du public français. Malgré ses victoires à l'Open d'Australie (Melbourne) et Wimbledon (Londres), la Française a toujours été incapable de dépasser le stade des quarts de finale aux Internationaux de France malgré ses 15 participations !  

    Ecoutez le Dr Jean-Christophe Seznec : « Pour certains sportifs, la famille ou le public est inhibant. Ils ont en leur présence l'impression d'être constament jugés et n'arrivent pas à se libérer...»


    Enfin, le Dr Bruno Sesboué, médecin du sport au CHU de Caen, cite d'autres facteurs dommageables pour les sportifs qui concourent à l'extérieur. Parmi eux, le changement de nourriture, par exemple sur un continent lointain, qui peut affectuer l'apport en énergie auquel est habitué tout corps de sportif. 
    Mais ce médecin rappelle aussi que ces dommages collatéraux qu'évitent les sportifs qui jouent a domicile s'ammenuisent. Notamment parce qu'aujourd'hui, les staffs des équipes sont de plus en plus professionnels. « Ces derniers mettent à présent au point des trajets calculés pour être le plus court possible, et intègrent à la délégation sportive des cuisiniers pour ne pas bouleverser les habitudes alimentaires des sportifs », explique-t-il.
    Espérons que l'équipe de France qui se déplace à Sotchi a tout prévu ! Score à battre, une petite 8ème place au classement des nations les plus médaillées (au total) lors des derniers Jeux Olympiques d'hiver de Vancouver en 2010.

    Ecoutez le Dr Bruno Sesboué, médecin du sport au CHU de Caen : « Si un sportif change complètement de régime alimentaire en arrivant sur une compétition à l'étranger, cela va le perturber. Notamment son organisme qui...»


    (1) Fédération internationale de football association

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