Cerveau
On sait pourquoi vous êtes de mauvaise humeur quand vous êtes malades
Selon de nouveaux travaux, une protéine du système immunitaire, appelée IL-17 et libérée quand on est malade, impacte le comportement et fait grimper l’anxiété pendant l’infection.

- Par Sophie Raffin
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- Dumitru Ochievschi/istock
Il faut le reconnaître, nous ne sommes pas les personnes les plus agréables et les plus enjouées quand nous sommes malades. La fatigue, la douleur ou l’inquiétude peuvent expliquer ce comportement bien sûr… mais ce ne sont pas les seules raisons, si on en croit deux nouvelles études publiées dans la revue Cell. Ces travaux, menés par le MIT (Massachusetts Institute of Technology) et l’École de santé de l’université de Harvard, ont révélé que des protéines du système immunitaire influencent le cerveau et entraînent des changements de comportement pendant la maladie. Depuis plusieurs années Gloria Choi, professeur en sciences du cerveau et de la cognition au MIT, et Jun Huh, professeur d’immunologie à la Harvard Medical School, étudient les interleukines IL-17. En 2019, ils avaient remarqué que cette cytokine, connue pour jouer un rôle important dans l'inflammation et la défense contre les infections bactériennes, était impliquée dans “l’effet fièvre”. Il s’agit d’un phénomène observé chez certains enfants autistes : quand ils ont de la fièvre, leurs troubles comportementaux diminuent. Ils avaient vu lors d’un essai chez des souris que les IL-17 libérées dans le cerveau pouvaient désactiver une région cérébrale baptisée S1DZ et entraîner des comportements de type autistiques.La protéine du système immunitaire agit sur le cerveau et les comportements
Une région du cortex impliquée dans le contrôle du comportement
Lors de leur nouvelle recherche, ils ont découvert qu’une paire de récepteurs connus sous le nom d'IL-17RA et d'IL-17RB se trouve dans le cortex, y compris dans la région S1DZ impliquée dans le contrôle du comportement. "Lorsqu'un type d'IL-17 - connu sous le nom d'IL-17E - se lie à ces récepteurs, les neurones deviennent moins excitables, ce qui conduit aux effets comportementaux observés dans l'étude de 2019", notent les auteurs dans leur communiqué.
Le Pr Choi ajoute "l'IL-17E, que nous avons montré nécessaire pour l'atténuation comportementale, agit en fait presque exactement comme un neuromodulateur en ce sens qu'il réduira immédiatement l'excitabilité de ces neurones. Ainsi, il y a une molécule immunitaire qui agit comme un neuromodulateur dans le cerveau et sa fonction principale est de réguler l'excitabilité des neurones".
Système immunitaire : la cytokine fait aussi grimper l’anxiété
Dans la seconde étude, les deux chercheurs et leurs collaborateurs se sont penchés sur une autre région du cerveau où des récepteurs IL-17 sont abrités : l’amygdale. Cette zone cérébrale joue un rôle important dans le traitement des émotions, et notamment la peur et l’anxiété. Ils ont alors remarqué lors de tests sur des souris que les cytokines IL-17A et IL-17C excitent les neurones de cette zone et qu’il s'ensuit une augmentation de l'anxiété.
"Cette découverte peut aider à expliquer les résultats inattendus observés dans un essai clinique d'un médicament contre le traitement du psoriasis ciblant le récepteur IL-17-RA". En effet, les patients avaient présenté des troubles de santé mentale et des pensées suicidaires.Pour les auteurs, l’apparition de cette anxiété pourrait être une bonne chose pour les humains. En effet, elle conduit les personnes malades à rester à l'écart des autres, réduisant ainsi les risques de propagation. "Outre sa fonction principale de lutte contre les agents pathogènes, l'une des façons dont le système immunitaire fonctionne est de contrôler le comportement de l'hôte, de protéger l'hôte lui-même et de protéger également la communauté à laquelle appartient l'hôte", ajoute Gloria Choi.
Autre découverte : une cytokine baptisée IL-10 agit sur les mêmes neurones, mais pour sa part, elle supprime l'inflammation et les inhibe. "Cette molécule contrecarre l'excitabilité générée par l'IL-17, donnant au corps un moyen d'éteindre l'anxiété une fois qu'elle n'est plus utile", indiquent les auteurs.
Ensemble, les deux études suggèrent que le système immunitaire, et même une seule famille de cytokines, peuvent exercer une variété d'effets dans le cerveau. Elles pourraient aussi aboutir à de nouveaux traitements. "Le fait que ces molécules soient fabriquées par le système immunitaire nous donne une nouvelle approche pour influencer la fonction cérébrale en tant que moyen thérapeutique. Au lieu de penser à aller directement au cerveau, pouvons-nous penser à faire quelque chose au système immunitaire ?", conclut la Pr Choi.