Témoignage patient
Moi, dyslexique : « On garde des troubles toute sa vie, mais on apprend à vivre avec »
Dyslexique, dyspraxique et dysphasique, Christopher nous raconte aujourd’hui comment il a appris à vivre avec ces troubles du langage et de l’apprentissage.
"J’aimerais que notre société soit plus tolérante, plus ouverte et moins génératrice de jugements". En cette rentrée scolaire, le dessinateur Christopher profite de la promotion de sa nouvelle bande dessinée autobiographique intitulée "Moi, dyslexique" (Dunod éditions) pour sensibiliser le grand public à la condition des enfants atteints de ces troubles du langage et de l’apprentissage.
Des troubles dys diagnostiqués à 7 ans
"Je suis dyslexique, dyspraxique, dysphasique et j’ai un trouble de l’attention", explique le jeune homme sur un ton calme et posé. Tout petit déjà, Christopher se sent en décalage, peine à faire certains gestes, s’habille difficilement, n’arrive pas à faire du vélo et ne reconnaît pas la droite de sa gauche. Les choses se compliquent encore pour lui lorsqu’il intègre l’école primaire, où l’apprentissage de la lecture, de l’écriture, du langage et des mathématiques lui est très difficile. "A l’époque, je ne parlais pas très bien, donc les gens ne comprenaient pas forcément toujours ce que je voulais dire. J’ai mis aussi beaucoup plus de temps que les autres à apprendre certains gestes, comme par exemple faire mes lacets ou écrire mon prénom. Quand aux lettres que je voyais, elles bougeaient devant mes yeux sans que je n’arrive jamais à les stabiliser. Je copiais sur mes voisins pour survivre", se souvient le trentenaire, alors souvent isolé, malmené par sa professeure et moqué par ses camarades. "J’ai découvert à l’école qu’on ne peut pas faire ce qu’on veut, dans l’ordre qu’on veut, qu’il y a des semaines, des mois, des années, des saisons, des calendriers et des horloges qui marquent tous les moments de la journée. Tout ça m’échappait", écrit-il dans son ouvrage.
Alertés par le mal-être et les nombreuses crises de larmes de leur petit garçon, les parents de Christopher décident alors de lui faire passer toute une série de tests éprouvants qui permettront de lui diagnostiquer des troubles dys à l’âge de 7 ans. S’ensuivra l’intégration d’une école spécialisée au sein de l’institut Saint-Pierre, où le jeune enfant s’épanouit et se sent, pour la première fois, à sa place. "Le diagnostic a soulagé mes parents. Moi, je n'avais pas trop compris, mais j’étais content de ne plus aller dans mon école d’avant", raconte le Montpelliérain, aujourd’hui très reconnaissant de la bienveillance et du soutien sans faille dont a toujours fait preuve sa famille. "L’hôpital pour enfants dans lequel j’étais hébergeait une école primaire pour les dyslexiques et les sourds. C’était chouette, je me suis fait des amis et je me suis rendu compte que tout le monde était différent. On n’était que dix par classe et chacun pouvait apprendre à son propre rythme. J’étais aussi accompagné par une orthophoniste et une psychomotricienne", se rappelle-t-il.
Beaucoup de moqueries liées à la dyslexie
Trois ans plus tard, Christopher réintègre un cursus collégial classique, où un véritable harcèlement scolaire se met de nouveau en place. "C’était difficile. Je n’avais pas confiance en moi, j’avais de très mauvaises notes et j’ai subi pas mal de moqueries. Comme j’ai des lunettes, certains élèves disaient que j’avais l’air intelligent mais qu’en fait, j’étais bête. Beaucoup de mes professeurs ne m’aimaient pas trop non plus et se foutaient complètement de mon handicap, que j’avais pourtant pris la peine de signaler aux responsables de l’établissement", déplore-t-il.
Malgré une scolarité toujours difficile, l’adolescent vit mieux son lycée professionnel et développe une véritable passion pour le dessin, dont il fera son métier. "Au collège, c’était la seule façon pour moi de décompresser. Je n’ai jamais eu de problème pour dessiner, c’est ma façon de m’exprimer. Petit à petit, je suis devenu portraitiste ambidextre, une technique qui m’a été enseignée par mon kiné. Après mes études, j’ai dessiné avec les deux mains énormément de gens dans des foires, des mariages, des fêtes d’entreprise, à la plage, etc. Cela a très bien marché", se félicite celui qui a même fini par devenir professeur à l’ESMA (Ecole Supérieure des Métiers Artistiques) malgré deux redoublements en primaire.
Des troubles du langage et de l'apprentissage encore présents au quotidien
Ses troubles sont-ils encore présents aujourd’hui ? "Oui. Par exemple, je mets encore beaucoup de temps à faire mes lacets et je peine à m’orienter. Quand je me balade, tout s’emmêle et je dois souvent aller à l’encontre de mon instinct pour trouver le bon chemin. C’est très énervant", rit-il. "On garde les troubles dys toute sa vie, mais on apprend à vivre avec. Je pars ainsi à mes rendez-vous toujours avec beaucoup d’avance au cas où je me perde. Et quand je panique parce que je n’arrive pas à faire quelque chose, je demande tout simplement de l’aide, ce que je n’osais pas faire avant. Je sais aussi lire, compter et écrire, et je ne suis plus accompagné par des professionnels de santé depuis mes vingt ans", raconte-t-il en souriant.
"Sans mon handicap, je ne serais pas du tout la même personne et je ne ferais pas la même chose, c’est certain. Je serais sans doute plus ennuyeux", estime-t-il encore avec humour.
"Les troubles dys sont de véritables handicaps à l’école, mais plus après"
Aujourd’hui, Christopher est "content comme ça", et même fier "d’être dys". Il profite de notre entretien pour s’adresser aux enfants confrontés à cette pathologie.
"Les troubles dys sont de véritables handicaps à l’école, mais ils ne le sont plus après. Donc il faut tenir bon. Je sais que, quand on est enfant et adolescent, les établissements scolaires sont toute notre vie parce que c’est là où l’on passe le plus de temps. Mais ce n’est pas le plus important. Le plus important, c’est ce que vous êtes et les choses positives qui vous animent. Si par exemple, vous aimez le chant et la guitare, il faut vraiment se focaliser là-dessus, car cela va vous aider à traverser les moments difficiles de la vie. Être dys ne m’a pas empêché de créer des portes là où il n’y en avait pas, et les épreuves m’ont rendu plus fort...", souligne-t-il.
En témoigne la persévérance qui lui a permis de publier sa bande dessinée, une idée d’abord critiquée par certains membres de son entourage et refusée par de nombreuses maisons d’édition. "Je trouvais que ce projet était important pour les enfants et les parents, car on ne fait pas d’histoire sur la dyslexie. Personne ne pensait que cela pouvait se vendre, donc avant d’être publié par Dunod, j’avais déjà imprimé ma BD tout seul grâce à une campagne de financement et l’aide de mes amis. Et ça a eu un succès fou, ce qui a fait revenir les éditeurs vers moi". On estime que 6 à 8 % de la population française est touchée par les troubles dyslexiques. Le degré du handicap varie entre chaque personne.