Enquête auprès de 1817 jeunes de 15 ans

21 % des adolescentes ont fait une tentative de suicide

A 15 ans, 21 % des filles et 9 % des garçons déclarent avoir déjà fait une tentative de suicide. Résultats inquiétants d'une enquête menée dans deux régions françaises.

  • Par Bruno Martrette
  • SIMON ISABELLE/SIPA
  • 05 Fév 2014
  • A A

    « Imaginez, sur cinq jeunes filles que vous croisez dans la rue, l'une d'entre elles a tenté de mettre fin à ses jours ! » C'est la phrase choc rapportée par le journal Le Monde, et prononcée par le Dr Philippe Binder, médecin généraliste, responsable d'une consultation pour adolescents à l'hôpital de Rochefort (Charente-Maritime). Ce chiffre inquiétant, diffusé lors de la journée nationale de prévention du suicide, est en effet issu des premiers résultats d'une enquête épidémiologique menée conjointement par la faculté de médecine de Poitiers et l'Observatoire régional de la santé d'Alsace publiée dans le Concours médical.
    Ainsi en juin 2012, 1817 jeunes âgés de 15 ans tirés au sort dans 171 établissements scolaires des régions Poitou-Charentes et Alsace, ont répondu à 88 questions portant sur la santé. Parmi les questions : Au cours de ces douze derniers mois, as-tu tenté de te suicider ? Au cours de ta vie, combien de fois as-tu tenté de te suicider ? 

    Une hausse impressionnante chez les jeunes filles
    D'après les données récoltées, les jeunes filles interrogées ont été précisément 21 % à répondre qu'elles avaient bien fait une tentative de suicide (8,8 % des garçons). « Les résultats ont été quasi-similaires en Poitou et en Alsace », soulignent les enquêteurs. Contacté par la rédaction de pourquoidocteur, le Dr Philippe Binder confie que « cette forte augmentation est impressionnante. »
    Lors des précédentes études, les adolescentes de 15 ans avaient été 9 %, en 1993, à auto-déclarer une tentative de suicide (TS), et 14,6 % en 1999.
    Chez les garçons, la progression est plus lente (4 % en 1993, 7,5 % en 1999, 8,8 % en 2012).

    Le Dr Binder explique pour partie ce geste des adolescentes par une rupture amoureuse ou amicale. Ce type d'évènement peut rapidement prendre une tournure dramatique si la jeune fille est isolée. Dans ce cas, la TS se fait fréquemment par l'absorption de médicaments.

    Ecoutez le Dr Philippe Binder
    , médecin généraliste : « Si le filet relationnel naturel de la famille ou des amis n'est pas là, le drame peut arriver...»


    5 % des suicides concernent les moins de 24 ans
    Pourtant, ces chiffres doivent être maniés avec prudence, précisent les auteurs de l'enquête. La part des moins de 24 ans dans les suicides reste il est vrai très faible. Selon l'Inserm, elle se situerait autour des 5 %. Ainsi, en 2011, sur les 10 524 morts par suicide en France, 508 concernaient des moins de 24 ans.

    Par ailleurs, certains indices peuvent alerter les parents et les professionnels de santé sur un risque éventuel de suicide chez l'adolescent. Car, comme le confie le Dr Philippe Binder, « on retrouve régulièrement les mêmes atittudes chez les adolescents à potentiel suicidaire. » Ces derniers bien souvent fument, dorment mal, sont maltraités à l'école, et stressés à l'idée de s'y rendre ou lorsqu'ils rentrent chez eux. Enfin, un premier passage à l'acte est toujours problématique, car d'après les résultats de l'enquête, ces jeunes ont tendance à récidiver.


    Ecoutez le Dr Philippe Binder : « Ces indices, ou signes annonciateurs, peuvent être repérés par tous les médecins généralistes en consultation ordinaire...»


    Un pic des tentatives de suicide à l'adolescence
    Enfin, même si les données hospitalières les plus récentes confirment cette augmentation des TS chez les ados, il semblerait que l'âge de 15 ans constitue le pic des tentatives de suicide chez les adolescentes. « Ce pic se poursuit jusqu'à 17 ans et chute considérablement par  la suite », précise le Dr Philippe Binder.
    Pourtant, même à un âge plus avancé, ces jeunes femmes ne semblent pas totalement avoir oublié leurs vieux démons. Et bien souvent, cette souffrance se matérialise différemment passé la quizaine. En un an, le nombre de cas d’automutilation de jeunes filles de 15 à 19 ans a bondi de 10 % au Royaume-Uni selon un rapport du Health and Social Care Information Centre publié au mois d'octobre 2013. Les spécialistes français confirmaient à l'époque cette tendance en France.
    Ces derniers mettaient notamment en cause « le climat toxique » dans lequel grandissent les adolescents actuellement. Cyber-intimidation, perspectives de travail peu réjouissantes et une société obsédée par l’image du corps, étaient quelques unes des raisons invoquées par ces spécialistes pour expliquer le mal-être grandissant des adolescents. 


    Pour laisser un commentaire, Connectez-vous par ici.
    
    -----