Affaire Lantieri

4500 médecins ont une activité privée à l'hôpital

L'activité libérale que peuvent exercer certains médecins à l'hôpital est encadrée et même surveillée. Le Pr Lantieri en aurait fait les frais.

  • Par Mathias Germain
  • DURAND FLORENCE/SIPA
  • 04 Fév 2014
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    Le Pr Laurent Lantieri, le chirurgien qui a réussi la première greffe intégrale de visage, serait sous le coup d’une enquête administrative. Le motif ? Le chef du service de chirurgie plastique à l’Hôpital européen Georges Pompidou (HEGP) aurait continué d’opérer des personnes dans le cadre de consultations privées alors que cela lui était interdit, selon le quotidien Le Parisien. En effet, le Pr Lantieri avait vu ses activités privées suspendues entre avril et juillet 2013 après avoir refusé de s'acquitter de la redevance qu'il devait à l'hôpital entre 2008 et 2011.

    Selon le quotidien, cette enquête a été diligentée par la ministre de la Santé, Marisol Touraine, après la plainte d'un patient. Ce dernier affirme que l'un des médecins du service lui aurait demandé de « l'argent au noir ». L’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a donc été mandatée pour vérifier ces graves accusations. C’est à la demande de Martin Hirsch, le nouveau patron de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) que l’enquête de l’IGAS a été diligentée par Marisol Touraine. Il est vrai que, dès sa prise de fonction en novembre 2013, Martin Hirsch a rappelé qu’il souhaitait freiner l’activité libérale à l'AP-HP.

    4500 médecins ont une activité privée à l'hôpital
    Cette activité n’est pas interdite. Depuis la réforme de 1958, les médecins hospitaliers qui travaillent à temps plein peuvent avoir une activité libérale. Le législateur permettait ainsi à l’hôpital de garder dans son giron des praticiens renommés qui auraient pu être attirés par une activité purement privée. Les médecins peuvent alors choisir d’appliquer les tarifs de l’assurance maladie (secteur 1) ou d’y ajouter des compléments d’honoraires (secteur 2). D’après la Caisse nationale d’assurance maladie, plus de 4500 hospitaliers ont eu une activité libérale à l’hôpital en 2011, et 40 % d’entre eux ont choisi le secteur 2.

    Une activité encadrée
    Mais attention, cette activité libérale est censé s’exercer selon un cadre très strict. Tout d’abord, la durée de l'activité libérale ne doit pas excéder 20 % de la durée du service hospitalier hebdomadaire à laquelle sont astreints les praticiens. Le nombre de consultations et d'actes effectués au titre de l'activité libérale doit en outre demeurer inférieur à celui de consultations et d'actes effectués au titre de l'activité publique. En outre, aucun lit ni aucune installation médico-technique ne peut être dédié à l'exercice de l'activité libérale.

    L’activité libérale est soumise à l’autorisation de l’Agence régionale de santé. Et, l’hôpital perçoit une redevance sur cette activité. La redevance est calculée en pourcentage des tarifs fixés par les caisses d’assurance maladie. Ainsi, l’établissement public peut percevoir 25 % des tarifs pour une consultation privée, 40 % sur des actes de chirurgie, d’obstétrique ou d’anesthésie, et 60 % sur des actes d’imagerie ou de chimiothérapie.

    8 millions d'euros perçus par l'AP-HP
    Les praticiens déclarent chaque trimestre à leur administration les consultations et les actes effectués en libéral, ainsi que les honoraires perçus. Au global, cette redevance représente une somme non négligeable pour les établissements publics. Ainsi, l’AP-HP a perçu 7, 8 millions d’euros en 2011. Et selon la commission centrale de l’activité libérale de l’AP-HP (CCLA), cette redevance globale a progressé de 16 % entre 2009 et 2011.

    De leurs côtés, les 331 médecins de l’AP-HP autorisés ont perçu 31, 3 millions d’euros d’honoraires. Les honoraires moyens annuels ont été de 94 400 euros. Cette moyenne masque une grande disparité de pratiques puisque la CCLA a noté que le revenu minimum s'établit à 240 euros et le maximum à 500 000 euros…

    Informer les patients
    Dernière obligation importante pour les médecins : informer préalablement les patients sur leurs tarifs pratiqués en secteur libéral. Honoraires et dépassements doivent être affichés dans la salle d’attente. Et, un devis est obligatoire lorsque le montant du dépassement dépasse 70 euros. Une obligation pas toujours bien respectée, notamment à l’HEGP où exerce le Pr Laurent Lantieri, puisque la CCLA constatait que sur 32 praticiens autorisés à avoir de l’activité libérale, trois seulement affichaient des informations conformes à la réglementation.

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