Semaine du son
La musique a-t-elle un impact sur notre cerveau ?
La semaine du son de l’UNESCO a débuté le 15 janvier 2024, pour une 21ème édition. L’occasion de poser la question du lien entre le cerveau et la musique lors d’une conférence de presse organisée par l’UNESCO et l’Institut du son sur le thème de la santé auditive.
Il est vrai que la musique est universelle. La musique a la capacité de moduler nos humeurs, elle peut apaiser ou au contraire accentuer une tristesse, nous rendre joyeux ou nostalgique. Récemment, plusieurs études l’ont démontré, la musique a aussi des capacités anesthésiantes, grâce à elle la douleur est comme… atténuée. Ses capacités pourraient même être optimisées lorsque ce sont des musiques que l’on aime.
Et ces musiques que l’on aime vont faire naître en nous le “frisson musical”. Mais, au juste, qu’est-ce que c’est ?
“Le frisson musical est cette chair de poule que l’on ressent, qui est une sorte de marqueur comportemental d’un ressenti très positif”
“Ce qui est particulier avec la musique c’est qu’elle génère des réponses qui sont subjectives, uniques, variées, parfois même extrêmes et qui peuvent aller jusqu’au plaisir intense que l’on appelle le frisson musical, décrit Séverine Samson, neuropsychologue. Tout cela est largement combiné par des associations personnelles, des souvenirs autobiographiques. Nous avons tous des souvenirs qui sont associés à certains passages musicaux.”
“Le frisson musical est cette chair de poule que l’on ressent, qui est une sorte de marqueur comportemental d’un ressenti très positif. Nous savons aussi qu’il se traduit par des réponses physiologiques particulières au niveau du rythme cardiaque qui va s'accélérer, de la production de la réponse électrodermale qui va augmenter, avec des réponses métaboliques particulières et tout ça varie de manière étonnante avec l’intensité du frisson”, explique-t-elle avant de détailler les mécanismes de la musique sur notre cerveau. “Il y a la libération d’un neurotransmetteur bien connu qui est la dopamine, dans le striatum, au même titre que ce qu’il se passe lorsqu’on a le plaisir gustatif, qu’on regarde des images héroïques ou qu’on joue avec des jeux d’argent (au poker).”
Le plaisir musical agit sur le bien-être des malades
Il y a une efficacité évidente chez les patients et les aidants, "notamment sur l’état émotionnel, c’est-à-dire qu'après des séances de presque 15 heures d’écoutes musicales réparties sur 4 semaines, on augmente le nombre d’expressions positives à la musique et en dehors de la musique, on limite les comportements d’agitation et d’agressivité, on diminue les problèmes comportementaux et on diminue les problèmes de souffrance. Tout cela nous encourage beaucoup”, déclare la neuropsychologue. Avant de finir… “Il y a beaucoup d’hypothèses, on parle beaucoup du plaisir et de l’effet hédonique de la musique. Le frisson musical est universel mais n’est pas déclenché par le même support musical par chacun d’entre nous. Il dépend des musiques auxquelles nous avons souvent été exposés. Il n’est pas généré de la même manière par tout le monde.”
Et le rôle de la musique sur nos neurones ?
C’est au tour d’Emmanuel Bigand, Professeur de psychologie cognitive et Titulaire de la chaire Musique Cognition Cerveau, d’expliquer les effets de la musique : “C’est intéressant de savoir que pour la régulation des émotions qui est une des fonctions, peut-être première même, la musique peut se manifester dans cette relation essentielle pour la survie de l’espèce au moment où la maman ou le papa prend en charge le bébé. La régulation des émotions pour le développement du tout jeune enfant est un aspect essentiel.”
Le chercheur ajoute également : “La musique sait créer une symphonie neuronale dans le cerveau. Elle sollicite beaucoup de processus cognitifs au même titre que le langage, mais cette fois-ci, c’est pour les mettre en synergie avec les réponses émotionnelles, puis la production motrice… et donc cela sollicite tout un ensemble de neurones qui sont rattachés à des zones bien différentes du cerveau et qui se synchronisent véritablement. En terme de décharge d’influx nerveux, il y a un effet de symphonie. C'est évidemment un terme métaphorique qui laisse penser que le cerveau fonctionne un peu comme un orchestre avec des pupitres qui font chacun des choses différentes, mais qui doivent tous se synchroniser. L’orchestre a la possibilité de répéter, et plus il va le faire, plus il développera ses capacités d’excellence. C’est un peu de la même façon si nous sollicitons notre cerveau et qu’on lui propose des activités qui engagent une synchronisation cérébrale à grande échelle. On va développer une sorte de plasticité générale et ça ce sont des effets que l’on peut avoir avec la musique.”
“La musique peut imposer son diapason”
“La musique a une structure qui impose un peu son diapason. C’est vrai que nos émotions sont beaucoup liées à nos histoires de vie car notre personnalité peut être construite avec des expériences de musique et ça nous le voyons lorsque nous travaillons avec des patients Alzheimer. Dès qu’on joue les musiques qu’on jouait dans les bals des villages qu’ils écoutaient il y a 20 ans, on a des effets qui sont très intéressants sur lesquels on peut construire un support thérapeutique.” Mais il n’y a pas que ça ! “Lorsque vous rentrez dans une salle de concert avec, par exemple, 600 personnes qui entrent avec des histoires de vie complètement différentes les unes des autres, avec des problématiques différentes, le chef d’orchestre joue, la musique impose son rythme et tout le monde va aller vers une sorte d'homogénéisation des états émotionnels, ce qui va permettre d’avoir des effets de cohésion sociale. Donc la musique peut imposer son diapason, son diapason rythmique, et c’est pour ça qu’elle a un rôle extrêmement important dans nos sociétés pour la régulation des comportements humains.”
La musique n’a pas fini de livrer ses secrets…