Thérapie génique
Parkinson : 3 gènes médicaments pour les malades
Grâce à une thérapie génique, une équipe de Créteil est parvenue à restaurer la production de dopamine, la protéine déficiente responsable des signes moteurs de la maladie de Parkinson.
« Merci Professeur, vos résultats apportent un grand espoir aux malades », dit-elle en lui serrant longuement la main. Elle, c’est Mathilde Laederich, directrice de l’association France Parkinson et lui Stéphane Palfi, chef du service de neurochirurgie de l’hôpital Henri Mondor à Créteil (94). Son équipe et celle de l’hôpital Adenbrookes à Cambridge, au Royaume-Uni publie en effet ce matin dans la revue médicale The Lancet, des résultats très prometteurs de thérapie génique dans la phase avancée de cette maladie qui touche environ 120 000 Français. Elle ne guérit pas le Parkinson, dont l’origine est encore mal comprise par les scientifiques, mais apporte un bénéfice réel sur ses symptômes.
Chez les malades atteints de Parkinson, les neurones ne sont progressivement plus capables de produire la dopamine, le neurotransmetteur indispensable dans le contrôle des mouvements. Les premiers signes de la maladie sont donc moteurs : tremblements, rigidité des membres et diminution des mouvements du corps. Chez 15 malades en phase avancée, l'équipe du Pr Palfi a injecté un vecteur viral contenant, pour la première fois au monde, 3 gènes médicaments directement dans le striatum, la zone du cerveau touchée par la maladie. Une fois intégrés à l’ADN des neurones, ces gènes leur ont permis de restaurer une production continue de dopamine. Après 4 ans de suivi pour les premiers des 15 patients, les médecins ne notent pas d’effets indésirables graves mais une amélioration durable des symptômes de rigidité et de manque de mouvement. Sur l’échelle UPDRS III qui permet d’évaluer de 1 à 103 la perte de motricité des patients parkinsoniens, les malades ayant reçu la plus forte dose ont récupéré plus de 14 points, sachant que la maladie est considérée comme sévère dès l’échelon 27.
Ecoutez le Pr Stéphane Palfi, chef du service de neurochirurgie du CHU Henri Mondor à Créteil et coordonnateur de cette étude : « L’effet majeur de cette thérapie génique est observé sur les symptômes de rigidité et de manque de mouvement. Avec les fortes doses, on note aussi un bénéfice sur les tremblements ». L’avantage de cette thérapie génique par rapport au médicament existant, la L-dopa, c’est qu’elle rétablit une sécrétion continue de dopamine là où le médicament créait des pics irréguliers en fonction des prises. Or cette irrégularité est à l’origine d’une forme de résistance au traitement qui s’installe progressivement chez les malades après 3 à 5 ans de « lune de miel » pendant lesquels la L-dopa parvient à contenir les troubles moteurs. Au bout d’une quinzaine d’années, les malades n’ont souvent plus de solution médicamenteuse et jusqu’ici seule la stimulation cérébrale profonde, technique également mise au point en France, pouvait améliorer leur état. Ecoutez Mathilde Laederich, directrice de l’association France Parkinson : « Sécréter sa propre dopamine en continu changerait tout dans le quotidien des malades. Pour s’habiller, pour écrire … » Si les médecins restent prudents, c’est qu’il y a déjà eu plusieurs espoirs déçus en thérapie génique dans la maladie de Parkinson. Le fait d’avoir observé par imagerie la reprise d’une sécrétion durable de dopamine est un bon signe mais il n’est pas suffisant. La dopamine est en effet le neuromédiateur impliqué dans l’effet placebo. Il faudra donc attendre 2 à 3 ans et une étude où la moitié des patients opérés se verront injecter un vecteur sans les 3 gènes médicaments pour être sûr que c’est bien la thérapie génique et non les espoirs que les patients portent en elles qui relance la sécrétion de dopamine. « Ce qui nous laisse penser que nous sommes sur la bonne voie, c’est que nous avons observé des résultats durables et surtout un effet-dose. D’un patient à l’autre, la sécrétion de dopamine augmentait en fonction de la dose, ça ne peut pas être seulement l’effet placebo… », espère le spécialiste.
Une thérapie qui pourrait durer 10 ans
Pour le moment, les chercheurs n’ont traité que ce type de malades en phase avancée mais à terme, l’objectif serait de proposer la thérapie génique aux patients qui débutent tout juste les complications pour prolonger la phase de lune de miel. « Nous pensons raisonnablement qu’elle pourrait durer 10 ans grâce à la thérapie génique. Mais nous n’en sommes pas encore là du tout. Jusqu’en 2020 au moins, seuls les malades très avancés pourront en bénéficier dans le cadre d’essais cliniques », tempère le Pr Palfi, qui bénéficie du soutien d'un industriel britannique Oxford Biomedica et d'un financement du ministère de la recherche pour poursuivre ses travaux.
Et si ce n'était qu'un effet placebo ?