Oncologie
Cancer de la thyroïde : pas de bénéfice de l’iode radioactif en cas de faible risque
En cas de cancer différencié de la thyroïde à faible risque de rechute, les malades ne devraient plus recevoir un traitement à base d’iode radioactif après chirurgie thyroïdienne.
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Les cancers différenciés de la thyroïde sont parmi les plus fréquents des cancers endocriniens (90%) mais ont dans la majorité des cas (75%) un faible risque de récidive à cinq ans. Pour ces patients, un traitement standard à base d’iode radioactif dans le cadre d’une hospitalisation de trois à cinq jours était jusqu’à présent utilisé après une résection de la glande thyroïde par chirurgie (thyroïdectomie) pour éliminer les reliquats thyroïdiens et les potentielles cellules cancéreuses. Mais ce traitement adjuvant à l’iode radioactif restait controversé en l’absence de bénéfice évident.
Les résultats de l’étude ESTIMABL2, publiés dans The New England Journal of Medicine, montrent une absence complète de bénéfice puisque 95,6% des patients n’ayant pas reçu d’iode radioactif n’ont eu aucun évènement carcinologique, versus 95,9% dans le groupe de ceux qui en ont reçu.
Un changement de paradigme
L’ajout d’iode radioactif après une thyroïdectomie est pratiqué depuis plus de 60 ans suite aux résultats d’études rétrospectives ayant montré un bénéfice sur la diminution des rechutes et de la mortalité dans les cancers différenciés de la thyroïde tous risques confondus. La question de son utilisation dans les cancers à faible risque restait posée suite à un précédent grand essai clinique randomisé et prospectif en 2012, ESTIMABL1 publié dans The New England Journal of Medicine qui démontrait qu’une dose d’iode trois fois moins élevée (1,1 GBq) apportait le même bénéfice qu’une dose de 3,7 GBq, sur la récidive de ce cancer.
Des résultats clairs
Parmi les 730 patients qui ont pu être évalués 3 ans après la randomisation, le pourcentage de patients sans événement est donc de 95,6% (IC à 95%, 93,0 à 97,5) dans le groupe sans iode radioactif et de 95,9% (IC à 95%, 93,3 à 97,7) dans le groupe iode radioactif, soit une différence de -0,3 point de pourcentage (IC bilatéral à 90%, -2,7 à 2,2), un résultat qui répond aux critères de non-infériorité.
Les événements observés sont des anomalies structurelles ou fonctionnelles chez 8 patients et des anomalies biologiques chez 23 patients avec 25 événements. Les événements sont plus fréquents chez les patients dont le taux de thyroglobuline sérique postopératoire est supérieur à 1 ng par millilitre pendant le traitement par hormones thyroïdiennes. Les altérations moléculaires sont similaires chez les patients avec ou sans événement. Aucun événement indésirable lié au traitement n'a été signalé.
ESTIMABL2 vient changer les pratiques
Dans ce vaste essai prospectif randomisé de phase III, 776 patients atteints d’un cancer différencié de la thyroïde à faible risque de rechute de 35 centres français ont été suivis pendant trois ans. Tous avaient précédemment eu une thyroïdectomie totale.
Les patients ont été répartis en deux groupes : ceux à qui un traitement d’iode radioactif (1,1 GBq) a été administré après des injections de TSH recombinante, et ceux n’en recevant pas qui ont bénéficié d’un simple suivi.
L’objectif principal de l’étude était d’évaluer si la stratégie de suivi sans iode radioactif se révélait non inférieure à la stratégie avec iode vis-à-vis de la survenue d’évènements carcinologiques, c’est-à-dire en comparant l’apparition d’anomalies fonctionnelles (anomalies sur la scintigraphie), morphologiques (adénopathies cervicales ou récidive dans la loge de thyroïdectomie sur une échographie du cou) ou biologiques (élévation de la thyroglobuline ou des anticorps anti thyroglobuline, un marqueur tumoral sanguin) survenues au cours des examens pendant trois ans.
Changement des pratiques
« La grande force de cet essai, outre la taille de son échantillon, réside dans sa méthodologie robuste et son fort niveau de preuve » explique le Dr Leboulleux, endocrinologue, spécialiste des cancers de la thyroïde et ancien chef du service de médecine nucléaire de Gustave Roussy.
« Même si l’iode radioactif entraîne peu d’effets secondaires à ces doses, les bénéfices pour les patients sont importants puisqu’une hospitalisation de trois à cinq jours peut ainsi leur être évitée ».
Une diminution des coûts de la prise en charge par l’Assurance Maladie est donc aussi attendue, puisqu’une hospitalisation sera épargnée.