Cardiologie
Tachycardie ventriculaire : ablation versus antiarythmique en 1ère ligne des cardiomyopathies ischémiques
Chez les patients souffrant d’une cardiomyopathie ischémique avec une tachycardie ventriculaire (TV), les résultats de l’essai VANISH2 suggèrent qu’une stratégie initiale d’ablation par cathéter diminue significativement le risque d’évènements graves (mortalité, orage rythmique, choc de défibrillateur) par rapport aux traitements antiarythmiques.
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- porpeller/istock
L’implantation d’un défibrillateur automatique (ICD) améliore la survie des patients ayant un infarctus du myocarde ancien et à risque de tachycardie ventriculaire (TV) maligne. Toutefois, elle n’empêche pas la survenue d’une tachycardie : près d’un tiers des patients recevront un choc dans les trois ans suivant l’implantation. Cette population, sujette aux récidives de TV et parfois à des « orages électriques », a un taux accru d’hospitalisations pour insuffisance cardiaque et de mortalité. Jusqu’ici, deux approches thérapeutiques se distinguaient : l’administration de médicaments antiarythmiques (dont sotalol et amiodarone) et l’ablation par cathéter, cette dernière étant souvent proposée après échec ou intolérance médicamenteuse.
L’étude VANISH2 (Ventricular Tachycardia Antiarrhythmics or Ablation in Ischemic Heart Disease), dont les résultats sont publiés dans le New England Journal of Medicine, a cherché à déterminer si l’ablation pouvait constituer un traitement de première ligne plus efficace qu’un traitement antiarythmique systématique. Au total, 416 patients avec cardiomyopathie ischémique et TV cliniquement significative ont été randomisés soit vers une ablation par cathéter (n=203), soit vers un traitement médical (n=213) selon des critères prédéfinis (sotalol ou amiodarone).
Après un suivi médian de 4,3 ans, l’événement principal (décès, TV soutenue traitée, orage rythmique ou choc approprié d’ICD au-delà de 14 jours) est survenu chez 50,7 % des patients du groupe ablation, contre 60,6 % dans le groupe traitement médical. L’ablation réduit donc le risque global d’événement de 25 % (HR = 0,75 ; IC à 95 % : 0,58–0,97 ; p=0,03).
Une baisse du recours aux chocs électriques dans le groupe ablation
L’essai a notamment montré que la diminution du critère principal dans le groupe ablation était surtout liée à la baisse du recours aux chocs appropriés d’ICD et à la réduction d’orage rythmique. Concernant la tolérance, deux décès (1,0 %) liés à la procédure ont été rapportés dans les 30 jours suivant l’ablation, et des événements indésirables non mortels (saignement, complications vasculaires, etc.) ont concerné 11,3 % des patients. De leur côté, ceux traités par sotalol ou amiodarone ont eu un décès (0,5 %) dû à une toxicité pulmonaire, et 21,6 % d’effets secondaires non fatals (intolérance hépatique, dysfonction thyroïdienne, etc.).
Les analyses de sous-groupes mettent en évidence que l’efficacité du sotalol demeure plus limitée que celle de l’amiodarone pour prévenir la TV, mais s’accompagne d’un meilleur profil de tolérance à long terme. Inversement, l’amiodarone, jugée plus puissante, s’associe à des risques non négligeables de toxicités extracardiaques. Les patients en meilleure fonction ventriculaire, sans orage rythmique ni insuffisance rénale sévère, sont plus souvent orientés vers le sotalol, tandis que ceux dont la fonction cardiaque est plus altérée ou ayant connu des épisodes d’orage rythmique restent de meilleurs candidats à l’amiodarone. Globalement, l’ablation s’avère un choix pertinent, même en première intention, réduisant le fardeau d’événements liés à la TV et limitant l’exposition prolongée à des molécules potentiellement délétères.
Des cardiomyopathies ischémiques équipées d’un ICD et avec des épisodes de TV
Le protocole de VANISH2, mené à l’international, a inclus 416 patients atteints de cardiomyopathie ischémique, tous équipés d’un ICD et présentant des épisodes de TV cliniquement significative. La randomisation 1:1 a imposé soit une ablation sous 14 jours, soit un traitement antiarythmique (sotalol ou amiodarone selon l’état clinique). L’analyse du critère principal, combinant mortalité et événements arythmiques, porte sur un suivi médian dépassant quatre ans.
Cette durée respectable, jointe à un effectif de plus de 400 patients, renforce la valeur des conclusions, même si certaines questions persistent. En effet, l’extrapolation des résultats à d’autres contextes (tachycardie ventriculaire non ischémique, cardiomyopathies dilatées d’origine non coronaire) reste incertaine. De plus, les approches techniques de l’ablation évoluent rapidement, et tous les centres participants n’ont pas nécessairement la même expertise.
Un élargissement possible des indications de 1ère ligne sous réserve d’une expertise
Selon un éditorial associé à l’article, ces données soutiennent l’idée d’élargir l’indication de l’ablation dès la première ligne de traitement chez les patients coronariens à haut risque de TV. Cela pourrait limiter l’exposition aux risques cumulés des antiarythmiques et réduire la survenue de chocs par ICD, facteurs de détérioration de la qualité de vie. Toutefois, la procédure d’ablation requiert une expertise importante et demeure associée à des complications procédurales non négligeables.
Les futures recherches devraient examiner l’ablation dans d’autres populations (non ischémiques), optimiser les techniques et définir les meilleurs critères de sélection des patients. Enfin, l’amélioration continue du matériel d’imagerie, la cartographie électronique 3D et le perfectionnement des cathéters d’ablation laissent espérer une diminution du taux d’événements résiduels, tant sur le plan de la récidive de TV que de la mortalité.