Infectiologie
Virus Oropouche : réémergence en Amérique du Sud et nombreux cas importés
Le virus Oropouche refait surface en Amérique du Sud, touchant des régions jusque-là épargnées. Face à cette menace émergente, devenue portelle, les autorités de santé sonnent l’alarme.
- Kwangmoozaa/istock
L’Amérique du Sud connaît une recrudescence inquiétante d’infections à arbovirus (zika, Chikungunya et dengue), avec la résurgence d’un virus peu connu : le virus Oropouche. Identifié pour la première fois en 1955 à Trinidad et Tobago, ce virus avait circulé de manière limitée dans des zones forestières sud-américaines.
Aujourd'hui, il touche de vastes régions urbaines, avec plus de 8078 cas confirmés en Bolivie, Brésil, Colombie, et Pérou depuis le 1er août 2024, ainsi que des cas rapportés à Cuba, en Espagne, et en Italie. Les infections se propagent également dans des pays où elles n’avaient jamais été observées auparavant, et des dizaines de cas liés aux voyages ont été signalés aux États-Unis et en Europe.
Au moins 21 voyageurs américains de retour de Cuba ont été testés positifs au virus Oropouche, selon les Centers for Disease Control and Prevention (CDC). La propagation rapide et la gravité des symptômes, y compris deux décès récents, suscitent de vives préoccupations quant à la capacité des systèmes de santé à faire face à cette nouvelle menace. L’article est publié dans The Lancet Infectious Disease.
Une arbovirose transmise par les moucherons et les moustiques
Environ 60 % des personnes infectées développent des symptômes, selon les Centers for Disease Control and Prevention (CDC). Ceux-ci peuvent ressembler à ceux causés par la dengue ou le Zika, avec notamment une apparition soudaine de fièvre, de frissons, de maux de tête, de douleurs musculaires et de raideurs articulaires. D'autres symptômes peuvent inclure des douleurs oculaires, une sensibilité à la lumière, des nausées, des vomissements, des diarrhées, de la fatigue et des éruptions cutanées. Dans de rares cas, la maladie peut infecter le système nerveux et provoquer une méningite ou une encéphalite.
Le virus Oropouche, transmis principalement par les moucherons (Culicoides paraensis) et les moustiques (Aedes spp.), présente une évolution atypique. Initialement limité aux zones forestières, il se propage désormais en milieu urbain. Bien que la majorité des cas soient bénins, des manifestations graves comme une méningite et une encéphalite sont possibles. Le 25 juillet, deux décès ont été rapportés chez de jeunes femmes brésiliennes sans comorbidité, soulevant des inquiétudes concernant la virulence du virus.
De plus, des cas de transmission potentielle mère-enfant, avec des issues tragiques comme des mortinaissances et des malformations congénitales, ont été observés, en particulier au Brésil. Cette évolution épidémiologique pourrait être exacerbée par des facteurs tels que le changement climatique, la mobilité humaine, la déforestation, et des mutations génétiques du virus qui affecteraient sa transmission et sa résistance aux traitements.
Un virus endémique dans le bassin amazonien
Le virus est endémique de la région du bassin amazonien en Amérique du Sud, en particulier dans les zones forestières où sa transmission est maintenue dans un cycle entre les insectes et d'autres hôtes tels que les rongeurs, les paresseux et les oiseaux. Il est parfois surnommé « fièvre du paresseux ». Les personnes qui visitent ces zones peuvent être piquées par un insecte infecté et ramener la maladie dans des zones plus urbaines. Le changement climatique et la déforestation augmentent les opportunités d'interaction entre les humains et les insectes infectés, ce qui accroît le risque de propagation.
Les données actuelles proviennent de diverses sources, dont des rapports de l’Organisation panaméricaine de la santé (OPS) et des études de terrain menées dans les pays touchés. Le journal médical qui a publié cette Correspondance a également relayé des observations sur le terrain en Amérique du Sud et à Cuba, documentant la transmission locale et les premiers cas dans de nouvelles régions.
Les informations sur les mutations du virus sont basées sur des analyses génétiques préliminaires, suggérant une possible réassortiment de segments d’ARN, un mécanisme qui pourrait expliquer la propagation accrue et la sévérité de l’épidémie actuelle. L’accès à des tests de diagnostic depuis 2023 au Brésil a également permis une meilleure détection et une surveillance renforcée de cette maladie émergente.
En pratique, se protéger contre les moustiques
La résurgence du virus Oropouche pose de nombreux défis en matière de santé publique, en particulier en l'absence de vaccins ou de traitements spécifiques. La difficulté à contrôler les vecteurs du virus, en raison de leur petite taille et de leur résistance relative aux répulsifs traditionnels, complique la mise en place de mesures de prévention efficaces.
Les CDC ont émis deux avis avant voyage : l'un encourageant les voyageurs en Amérique du Sud à prendre des « précautions habituelles » et l'autre suggérant aux voyageurs à destination de Cuba de prendre des « précautions renforcées » pour se protéger des piqûres d'insectes et consulter un médecin si nécessaire. Il est recommandé d'éviter de sortir à l'aube et au crépuscule, moments où les moustiques piquent le plus, de porter des vêtements appropriés pour protéger la peau des piqûres de moustiques et autres insectes, et d'utiliser un répulsif efficace pour prévenir les infections.
Les autorités de santé publique doivent intensifier les efforts de sensibilisation, de surveillance et de recherche pour comprendre les mécanismes de propagation du virus et développer des réponses adaptées. Une approche coordonnée à l’échelle régionale et mondiale est cruciale pour prévenir une propagation plus large de ce virus, qui pourrait, s’il n’est pas contrôlé, déborder les capacités des systèmes de santé en Amérique du Sud et au-delà.