Rhumatologie

Hypomagnésémie : des troubles sous-estimés et mal pris en charge

Les troubles du magnésium ne sont pas rares mais ils sont mal connus. Ils sont cliniquement peu spécifiques et sont souvent mal explorés car le magnésium est un ion essentiellement intracellulaire. Tout ceci est un obstacle à la bonne prise en charge des malades.

  • Mizina/istock
  • 12 Jul 2024
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    Le magnésium est un électrolyte indispensable, impliqué dans de nombreuses fonctions cellulaires et physiologiques, et en particulier celle qui fournit la source d’énergie cellulaire via l’ATP. Bien que le magnésium soit crucial pour la santé humaine, les troubles du magnésium, essentiellement l’hypomagnésémie, sont souvent sous-estimés et mal diagnostiqués.

    Un très bon article du New England Journal of Medicine, passe en revue les mécanismes récemment découverts de régulation du magnésium dans l'organisme, les principales causes des déséquilibres magnésiques en pratique clinique, ainsi que les approches diagnostiques et thérapeutiques de l’hypomagnésémie.

    Importance du magnésium dans le corps humain

    Le magnésium, sous forme de l'ion Mg2+, est présent dans toutes les cellules et est indispensable à la vie. Il est un cofacteur essentiel pour l'ATP, la source d'énergie cellulaire, et est un cofacteur de centaines de réactions enzymatiques. Il participe également à la synthèse des protéines, à la régulation de la fonction neuromusculaire, au rythme cardiaque et au tonus vasculaire.

    Le magnésium est principalement régulé par trois organes : l'intestin, les os et les reins. L'intestin contrôle l'absorption du magnésium alimentaire, les os servent de réservoir pour le stockage du magnésium, et les reins régulent l'excrétion urinaire de magnésium. Les transporteurs spécifiques de magnésium, tels que les canaux TRPM6 et TRPM7, jouent un rôle crucial dans cette régulation comme l’ont démontrées de nombreuses recherches.

    Une hypokaliémie est fréquente chez les patients souffrant d'hypomagnésémie. La réplétion potassique réfractaire est souvent liée à une déplétion en magnésium et n'est donc corrigée qu'une fois le déficit en magnésium normalisé. La carence en magnésium amplifie la perte rénale de potassium en favorisant la sécrétion de potassium dans le canal collecteur.

    Une hypocalcémie est également souvent liée à l'hypomagnésémie. La carence en magnésium supprime la libération de PTH et diminue la sensibilité rénale à la PTH. La diminution du taux de PTH entraîne une réduction de la réabsorption rénale du calcium, une calciurie et une hypocalcémie secondaire. L'hypocalcémie résultant de l'hypoparathyroïdie induite par l'hypomagnésémie est donc également réfractaire à la correction jusqu'à ce que la concentration de magnésium soit normalisée.

    Hypomagnésémie : une présentation souvent peu spécifique

    L'hypomagnésémie, définie par une concentration sérique de magnésium inférieure à 1,7 mg/dL, est la forme la plus courante de trouble du magnésium. Elle peut résulter d'une absorption intestinale insuffisante, d'une perte gastro-intestinale accrue, d'une réabsorption rénale réduite ou d'une redistribution du magnésium vers l'intérieur des cellules. Elle est souvent associée à des déséquilibres électrolytiques comme l'hypocalcémie et l'hypokaliémie ce qui peut compliquer le tableau clinique.

    Les patients atteints d'hypomagnésémie peuvent se plaindre de symptômes peu spécifiques tels qu’une léthargie, des crampes et une faiblesse musculaire. Ce n'est que dans les cas graves d'hypomagnésémie (taux de magnésium sérique <1,2 mg par décilitre [0,5 mmol par litre]) que des symptômes tels que l'irritabilité neuromusculaire (spasme carpopédal, crises d'épilepsie et tremblements), des anomalies cardiovasculaires (arythmies cardiaque et vasoconstriction) et des troubles métaboliques (résistance à l'insuline et chondrocalcinose) deviennent évidents.

    Des causes variées mais surtout médicamenteuses

    Les causes fréquentes d'hypomagnésémie incluent l'usage chronique de certains médicaments (diurétiques, utilisation prolongée et dose-dépendante des inhibiteurs de la pompe à protons, antibiotiques), des chimiothérapies (inhibiteurs de calcineurine, cisplatine, antagonistes du récepteur de l’EGRF, inhibiteur de la rapamycine), l'alcoolisme, le diabète de type 2 et les maladies rénales. Les patients hospitalisés, en particulier ceux en soins intensifs, sont particulièrement à risque.

    Les déficits en apports alimentaires sont surtout le fait d’alimentation très déséquilibrée (faibles apports en légumes verts à feuilles, noix, graines, céréales complètes et légumineuses) ou trop riches en produits interférant avec l’absorption intestinale du magnésium (calcium, phytates présents dans les céréales complètes et oxalates présents dans certains légumes).

    Il existe également des hypomagnésémies héréditaires. La plupart des causes génétiques d'hypomagnésémie affectent la réabsorption du magnésium dans le tubule contourné distal, comme les mutations des sous-unités TRPM6 et TRPM7, et les variants pathogènes de l'EGF et de l'EGFR, ou du CNNM2.

    L’hypermagnésémie est rare

    Définie par une concentration sérique de magnésium supérieure à 2,4 mg/dL, l'hypermagnésémie est rare et survient principalement chez les patients atteints de maladies rénales chroniques recevant des médicaments favorisant la rétention de magnésium. Les symptômes incluent la faiblesse musculaire, l'hypotension, la bradycardie et, dans les cas graves, l'arrêt cardiaque.

    Diagnostic des troubles du magnésium

    Le diagnostic des troubles du magnésium repose sur la mesure de la concentration sérique de magnésium. Cependant, étant donné que moins de 1 % du magnésium corporel total se trouve dans le plasma, les concentrations sériques peuvent ne pas refléter fidèlement les réserves corporelles totales, d’autant qu’elles sont soumises à la prise en compte d’une hypoalbuminémie et une hémolyse dans le tube de prélèvement.

    Les tests supplémentaires incluent la mesure de l'excrétion urinaire de magnésium sur 24 heures et les tests de charge en magnésium pour différencier les pertes rénales augmentées des pertes gastro-intestinales.

    Approches thérapeutiques

    Le traitement de l'hypomagnésémie dépend de la gravité des symptômes et de la cause sous-jacente. Les suppléments de magnésium par voie orale, et en particulier les sels organiques (citrate de magnésium, aspartate, glycinate), sont généralement utilisés pour les formes légères à modérées. Dans les cas graves ou résistants, une supplémentation intraveineuse peut être nécessaire ou des traitement adjuvant (inuline orale dans les hypomagnésémies induites par les IPP).

    Pour l'hypermagnésémie, la gestion comprend l'arrêt des apports alimentaires de magnésium, l'administration de diurétiques pour augmenter l'excrétion rénale de magnésium et, dans les cas graves, la dialyse.

    En pratique, se poser la question d’une hypomagnésémie chez les patients à risque

    Les troubles du magnésium, bien que souvent négligés, ont des implications cliniques significatives. Une meilleure compréhension des mécanismes de régulation du magnésium et des approches diagnostiques peut améliorer la gestion de ces déséquilibres électrolytiques.

    Les cliniciens doivent être attentifs à la possibilité de troubles du magnésium chez les patients à risque qui ont des symptômes non spécifiques et des déséquilibres électrolytiques concomitants. Il est recommandé de les faire explorer dans des services spécialisés dans l’exploration du métabolisme des électrolytes.

     

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