Onco-thoracique

Cancer du poumon métastatique : intérêt d’un anticorps conjugué anti-TROP2

Les résultats à l’ASCO d’une étude sur le datopotomab deruxtecan, un anticorps anti-TROP2, dans le cancer du poumon métastatique non à petites cellules sont très encourageants et ouvriraient la voie à une nouvelle ligne de traitement pour certains patients souffrant de cancers du poumon à un stade avancé non-épidermoïde et ceux présentant une altération moléculaire comme la mutation EGFR.

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  • 01 Jun 2024
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    Les anticorps anti-TROP2 sont devenus un sujet d'intérêt dans le traitement du cancer du poumon depuis les dernières années. Le TROP2 (Trophoblast Cell Surface Antigen 2) est une protéine de surface cellulaire qui est surexprimée dans plusieurs types de cancers, y compris le cancer du poumon (80 % des cas). Son rôle en tant que cible thérapeutique a été exploré en raison de son implication dans la prolifération et la migration des cellules cancéreuses. Des anticorps conjugués ciblent spécifiquement les cellules surexprimant TROP2, délivrant directement des agents cytotoxiques pour détruire les cellules cancéreuses tout en minimisant les effets secondaires sur les cellules saines.

    L’essai Icarus-Lung01, coordonné par le Pr David Planchard de Gustave Roussy, et présenté à l’ASCO 2024, montre que pour les patients souffrant de cancer du poumon non à petites cellules, métastatiques et en échec thérapeutique, le datopotomab deruxtecan, un anticorps anti-TROP2, permet d’obtenir un taux de réponse significatif et améliore la survie sans progression.

    Une large étude dans le cancer du poumon avancé

    Au total 100 patients souffrant d’un cancer métastatique et en impasse thérapeutique après une à trois lignes de traitement (chimiothérapie et/ou immunothérapie ou thérapie ciblée) ont été inclus en 2022 dans cet essai. L’anticorps conjugué médicament utilisé dans ce cadre est le datopotomab deruxtecan, un anticorps anti-TROP 2 ciblant une protéine surexprimée à la surface de la cellule tumorale dans 80 % des cancers du poumon. Cet anticorps est lié à une molécule de chimiothérapie, un topoisomérase-1 inhibiteur, par le biais d’un « linker » en l’occurrence un lien peptidique qui va se cliver lorsque l’anticorps rentre dans la cellule tumorale pour libérer les molécules de chimiothérapie.

    Il s’agit de traitement complexe dont les mécanismes d’action restent encore mal appréhendés. L’effet du médicament de chimiothérapie est certain sur les cellules tumorales et sur l’environnement péri-tumoral, et celui de l’anticorps et du linker est probable, en particulier sur le système immunitaire péri-tumoral. Tous les anticorps ne vont pas rejoindre la cible cellulaire et une certaine quantité du médicament est relargué dans l’environnement péri-tumoral et dans la circulation générale.

    Différents types de cancers du poumon

    Les patients dans cet essai présentaient soit un cancer du poumon de type épidermoïde (18 %), soit de type non-épidermoïde (82 %). L’ensemble des patients ont reçu une perfusion d’anticorps conjugués médicaments toutes les trois semaines, tant que la maladie ne progressait pas ou que l’éventuelle toxicité ne contraigne pas à l’arrêt du traitement. Par ailleurs tous les patients ont bénéficié d’une biopsie « fraiche » d’une lésion tumorale avant le début du traitement, sous traitement et lors de la progression tumorale afin d’évaluer les biomarqueurs associés à la réponse ou à la résistance au traitement.

    Les résultats mettent en évidence un taux de réponse prometteur de l’ordre de 26%. Au total, un quart des patients avaient une diminution des lésions d’au moins 30%. « Pour les patients répondeurs, la durée médiane de réponse est de 7 mois », selon le Pr David Planchard, « Ces résultats sont d’autant plus importants que les patients inclus dans cet essai étaient en impasse thérapeutique et avaient déjà reçus les traitements standards de cette maladie ».

    Des facteurs pronostiques de bonne réponse thérapeutique

    L’analyse permet de montrer notamment que le bénéfice clinique est surtout retrouvé pour les tumeurs non épidermoïdes (taux de réponse de 30,5%) comparativement aux épidermoides (taux de réponse de 5,6%). De même la médiane de la survie sans progression est 4,8 mois pour les non-épidermoides et de 2,9 mois pour les épidermoides.

    Par ailleurs, 12 patients avaient une tumeur avec une mutation génétique accessible à une thérapie ciblée (11 patients avec la mutation EGFR et un patient avec la mutation BRAF). Pour les patients avec la mutation EGFR, le bénéfice thérapeutique apparait prometteur avec un taux de réponse de 50% et une médiane de survie sans progression de 6,8 mois. Tout en restant prudent du fait du petit nombre de patients, les tumeurs de type non-épidermoïdes et celles ayant une mutation activatrice de l’EGFR+ apparaissent comme deux critères forts pour prédire la réponse à cet anticorps conjugué médicament anti-TROP2.

    Pour ce qui est des effets secondaires, les principales toxicités (essentiellement de grade 1-2) étaient des mucites (chez environ 48% des patients), nausées (47% des patients), fatigue (33%). Lors de la dernière analyse des données en avril 2024, six patients étaient toujours inclus dans l’étude.

    Des analyses préliminaires avec d’autres biomarqueurs sont en cours. Elles montrent notamment que les patients avec une faible expression de la protéine TROP2 à la surface des cellules tumorales auraient une moins bonne réponse à ces anticorps conjugués médicaments. Ces données doivent être confirmées cependant, afin de sélectionner au mieux les patients qui pourraient bénéficier de cette thérapie innovante.

    Cet essai a été mené par Gustave Roussy dans le cadre du programme médico-scientifique UNLOCK dont l’objectif est de comprendre les mécanismes d’action et de résistance aux traitements innovants. 

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