Néphrologie

Goutte articulaire et insuffisance rénale : réduire l’uricémie aux objectifs est faisable

Une étude de cohorte montre que l'abaissement de l'uricémie en dessous de 60 mg/L chez les patients atteints de goutte et d'insuffisance rénale chronique stade 3 n'augmente pas le risque de progression vers une insuffisance rénale sévère ou terminale, voire bénéfique.

  • Rasi Bhadramani/istock
  • 26 Nov 2024
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    La goutte est une arthrite inflammatoire chronique fréquente, touchant 1 à 5% des adultes dans le monde. Les crises de goutte sont associées à des douleurs intenses et une augmentation du risque d’événements cardiovasculaires majeurs. Le traitement hypouricémiant est le pilier de la prise en charge à long terme de la goutte articulaire et aurait un effet protecteur sur la fonction rénale. Pourtant, malgré les recommandations visant à abaisser le taux sérique d’acide en dessous de 60 mg/L, environ 30 % des patients seulement y parviennent en pratique clinique.

    Cette étude de cohorte, publiée dans JAMA Internal Medicine, a évalué l'association entre l'atteinte de ce seuil avec le traitement hypouricémiant et le risque de progression de l'insuffisance rénale chronique (IRC) chez des patients goutteux avec une fonction rénale altérée.

    Une réduction de la progression de l’insuffisance rénale

    Parmi les 14 792 participants âgés de 40 à 89 ans atteints de goutte articulaire et d'IRC stade 3, le risque à 5 ans de développer une insuffisance rénale sévère ou terminale est de 10,32 % pour ceux ayant atteint l'objectif d'uricémie, contre 12,73 % pour ceux ne l'ayant pas atteint. L'abaissement de l'uricémie à moins de 60 mg/L est associé à une réduction du risque absolu de -2,41 % et à un hazard ratio ajusté de 0,89 (IC à 95 %, 0,80 à 0,98).

    Aucun effet indésirable significatif lié au traitement hypouricémiant n'a été rapporté, suggérant une bonne tolérance de ce traitement chez ces patients. Ces résultats indiquent qu’atteindre l'objectif d'uricémie avec le traitement hypouricémiant n'augmente pas, voire pourrait réduire, le risque de progression de l'IRC chez ces patients.

    Une vaste base de données britannique

    L'étude a utilisé les données de l'IQVIA Medical Research Database, une vaste base de données de médecine générale au Royaume-Uni, couvrant la période de 2000 à 2023. En adoptant une approche d'émulation d'essais cliniques randomisés, les chercheurs ont inclus des patients âgés de 40 à 89 ans, atteints de goutte et d'IRC stade 3, et initiant un traitement hypouricémiant. L'objectif était de comparer ceux qui atteignaient l'uricémie cible (<60 mg/L) à ceux qui ne l'atteignaient pas, en termes de progression vers une insuffisance rénale sévère ou terminale.

    Cette méthodologie, même performante, n’élimine pas tous les biais mais la taille et la représentativité de cette cohorte en pratique réelle est un atout. Ces données ont des implications cliniques importantes : elles soutiennent la poursuite et l'optimisation du traitement hypouricémiant chez les patients goutteux avec IRC modérée, sans crainte d'aggraver la fonction rénale, et pourraient inciter à revoir les pratiques cliniques qui consistent à réduire ou arrêter le traitement hypouricémiant en cas de déclin de la fonction rénale.

    En pratique

    Chez les patients atteints de goutte, même en cas d'IRC stade 3, abaisser l'uricémie à l’objectif cible, à moins de 60 mg/L, avec un traitement hypouricémiant n'augmente pas le risque d’effets secondaires et peut ralentir le risque de progression vers une insuffisance rénale sévère ou terminale. Il est donc recommandé d’ajuster le traitement hypouricémiant pour atteindre l'objectif thérapeutique sans crainte pour la fonction rénale.

     

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